Bacurau

Au cinéma le 25 septembre 2019

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Duel entre Udo Kier et Sônia Braga ©SBS Distribution

Des événements étranges surviennent à Bacurau, village très pauvre perdu au milieu du nord-est du Brésil. Que font ces cercueils sur le bord de la route ? Et ces deux voyageurs qui arrivent pour demander à boire en toute innocence, alors qu’un camion-citerne vient d’être criblé de balles ? Il y a aussi ce drone, qui semble surveiller les faits et gestes des habitants… Ces quelques ingrédients, parmi d’autres, laissent poindre une terrible menace sur l’existence recluse des villageois, à qui l’on coupe l’accès à l’eau et, bientôt, à toute possibilité de communiquer avec l’extérieur.

Après Les bruits de Recife (2012), qui parlait de l’hyper-sécurisation d’un quartier pavillonnaire, et Aquarius (2016), sur l’acharnement de promoteurs immobiliers, Kleber Mendonça Filho poursuit avec Bacurau (co-réalisé avec son chef décorateur et directeur artistique Juliano Dornelles) son auscultation des zones asphyxiées par les intérêts politiques, révélant les tensions territoriales et financières qui gangrènent le Brésil. En cela, son cinéma est visionnaire, anticipant sur les dangers qui émanent la politique conservatrice, autoritaire et inégalitaire de Jair Bolsonaro. Bacurau, écrit avant qu’il ne prenne la tête du pays, commence par l’inscription « d’ici quelques années »…

Le parti pris est néanmoins celui du cinéma de genre. Tous les éléments qui constituent le propos politique du film se transforment en idées de cinéma à travers un audacieux mélange des formes. En premier lieu, le western est revisité avec beaucoup d’imagination et de trouvailles de mise en scène. Une imagerie revue par les réalisateurs à travers une spatialisation travaillée, des scènes d’assaut, de duel et de règlement de compte, ou cette superbe séquence dans laquelle une horde de chevaux traverse le village, la nuit, transportant avec elle, dans la furie de son galop, l’odeur du danger imminent. Les motifs du western passent aussi par la peinture de formidables personnages de méchants : un préfet corrompu, nouvelle version du shérif, et une bande de mercenaires dirigée par un chef de guerre redoutable, incarné par Udo Kier, l’éternel méchant du cinéma de genre. 

Que faire contre eux ? S’unir. S’organise alors une mutinerie qui prend la forme d’une ode à la solidarité, et à la révolution. Si l’on commence, au début du film, à suivre le seul personnage de Domingas, jeune femme de retour à Bacurau pour l’enterrement de sa grand-mère, c’est bien le village lui-même qui se trouve être le personnage principal du film, présenté comme une entité immuable. Un îlot marginal où les tensions internes sont infimes au regard de l’ombre destructrice qui plane sur lui.

Bacurau, c’est un récit de résistance et d’action qui souligne à quel point le Brésil se fracture. Ou comment s’emparer d’une réalité sociale et politique pour faire un film réjouissant, à la résonance grave.

Bacurau / De Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles / Avec Sônia Braga, Udo Kier, Barbara Colen / Brésil / 2h10 / Sortie le 25 septembre 2019.

4 réflexions sur « Bacurau »

    1. Je trouve que malgré son hybridité, le film ne s’éloigne jamais de sa direction principale. Il aurait pu se perdre en revêtant plusieurs formes, mais il garde une ligne cohérente du début à la fin.

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      1. La bascule vers la chasse à l’homme m’a semblé horriblement négociée, portée par une interprétation digne des pires nanars du genre. Sans doute y a t il une part voulue dans ce rendu mais l’association ne m’a pas du tout convaincu. J’ai largement préféré le début.

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