Une caméra au ras du sol, un écran de télévision possédé et un murmure rauque : il n’en faut pas plus à The House pour susciter un sentiment de terreur que le genre contemporain n’arrive désormais plus à provoquer. S’étant fait connaître par ses quelques courts-métrages disponibles sur YouTube, l’œuvre de Kyle Edward Ball incarne une des nombreuses facettes de ces nouvelles formes horrifiques, naissant sur Internet mais s’exportant plus rarement au cinéma.
En cela, l’arrivée de The House, premier long-métrage de l’artiste produit pour la modique somme de 15 000 dollars, impose d’emblée une radicalité qui force le respect. En suivant l’errance de deux enfants emprisonnés dans une maison sans portes ni fenêtres, l’œuvre présente un retour à l’épure. L’action, ici limitée à un seul lieu et à deux personnages, ainsi que le récit – si tant est qu’il y en ait vraiment un – se font avec une simplicité désarmante pour mieux appuyer la force de son parti pris esthétique.
Plutôt que de suivre ses deux « héros », The House opère un savant déréglage du point de vue, quittant définitivement le protagonisto-centrisme (néologisme de l’auteur de ces lignes désignant la tendance du cinéma classique à concentrer ses cadres sur des présences organiques) pour filmer ce qui donne son titre au film. Plus qu’un quelconque démon – auquel le cinéaste refusera de donner une apparence -, le mal réside au sein même de cette maison, seul objet incarné à l’image. En privilégiant les inserts aux plans larges, en filmant les meubles ou autres objets plutôt que ses acteurs, le long-métrage mène à une dépossession progressive de l’humain, pour laisser ici le décor et ses composantes comme seuls protagonistes.
De cette exploration sensorielle, The House tire sa plus grande force mais aussi sa plus grande faiblesse, se cloisonnant parfois à une focalisation dont il cherche à s’extirper, notamment lors de quelques séquences inévitablement filmées en point de vue interne. Si l’on l’accepte ses quelques sorties de route et la lourde part d’immersion qu’il requiert, The House demeure un fascinant objet non-identifié et réserve certaines des visions d’horreur les plus percutantes de ces dernières années.
The House / De Kyle Edward Ball / Avec Lucas Paul, Dali Rose Tetreault, Jaime Hill, Ross Paul / Canada / 1h40 / Sortie le 28 juillet 2023.
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