The Whale

Actuellement au cinéma

© A24

Il est des cinéastes dont on peut dire sans trop de risques qu’ils sont des maîtres en un domaine. Qu’ils soient maîtres d’un genre (John Ford pour le western, Kurosawa pour le film de sabre), d’un procédé technique (les travellings avant de Resnais, ceux latéraux pour Jarmusch, reconnaissables entre mille) ou d’un effet esthétique et narratif (Hitchcock, maître du suspense). Darren Aronofsky, lui, a prouvé brillamment en huit films qu’il était le maître incontesté du mauvais goût.

Continuer à lire … « The Whale »

Le Retour des hirondelles

Au cinéma le 8 février 2023

© Qizi Films Limited

Les vingt dernières années ont vu le cinéma chinois taraudé par une modernité destructrice conjointe à une crise des valeurs, que porte un capitalisme à l’expansion démesurée dont la défiguration des paysages, par les projets d’urbanisme effrénés, est un saisissant stigmate. Plusieurs cinéastes tels que Jia Zhangke ou Wang Bing se font les témoins de cette « époque de la ‘démolition’ » (Raphaël Szöllösy in Les Cinémas d’Asie), tant urbanistique que culturelle. Un regard que Li Ruijun continue de creuser avec Le Retour des hirondelles, sur un pôle plus lointain, aux confins de la Chine rurale, dans la région du Gansu.

Continuer à lire … « Le Retour des hirondelles »

Nos soleils

Au cinéma le 18 janvier 2023

© Lluis Tudela

S’il n’ est pas question de cerisiers ni du déclin de l’aristocratie sous la Russie tsariste, difficile de ne pas entrevoir l’ombre de Tchekhov et de sa Cerisaie dans Nos Soleils de Carla Simón (Ours d’or 2022), nouveau récit familial, estival et de deuil après Été 93, pour lequel la cinéaste espagnole avait déjà remporté un prix – le meilleur premier film – à la Berlinale. Ici, la famille de Lioubov laisse place aux Solé et leurs champs de pêchers au village d’Alcarràs, en Catalogne, menacés par un projet plus rentable de panneaux solaires.

Continuer à lire … « Nos soleils »

Professeur Yamamoto part à la retraite

Au cinéma le 4 janvier 2023

© Laboratory X

Suite officieuse a priori de Mental (2008) dans lequel Kazuhiro Sôda filmait déjà le professeur émérite au travail, Professeur Yamamoto part à la retraite se distingue par son portrait plus personnel, plus intime, du docteur. C’est d’abord dans sa clinique qu’on le retrouve – ou le rencontre –, en pleine consultation, écoutant, conseillant. Ses mots, ses patients les reçoivent et les appliquent comme un remède. Ils sont leur premier et principal traitement, selon la méthode du médecin, hito-gusuri, c’est-à-dire sa « médecine humaine », formule dont il est l’inventeur.

Continuer à lire … « Professeur Yamamoto part à la retraite »

Godland

Au cinéma le 21 décembre 2022

© Jour2Fête

Vivement applaudi par une presse enthousiaste au dernier festival de Cannes, Godland s’impose comme une expérience singulière, âpre et saisissante, fascinante et troublante, autant que le périple du prêtre danois Lucas, missionné pour aller construire une église aux confins de l’Islande sauvage. C’est dans une pièce éthérée, sous la lueur faible de fenêtres opaques, que l’on découvre le clerc, à l’écoute de son supérieur qui l’avertit de la lourde et périlleuse tâche à venir. Cernés par les surcadrages, dans un plan long et fixe, les deux garants de la Vérité (au sens divin) apparaissent séparés du monde. À l’écart du réel.

Continuer à lire … « Godland »

Bardo, fausse chronique de quelques vérités

Disponible sur Netflix

© Park/Netflix

Depuis The Revenant et les couronnes de lauriers, Iñarritu s’était retiré des plateaux, le temps de prendre du recul et de souffler un peu. C’est par la porte de Netflix qu’il fait son retour très attendu, avec Bardo, fausse chronique de quelques vérités, que le public français n’aura hélas pas l’opportunité de découvrir en salles. Trip onirique, méta et introspectif, Bardo est non seulement le film du retour au cinéma pour l’auteur, mais surtout du retour au Mexique qu’il n’avait pas foulé du pied de sa caméra depuis Amours Chiennes. Ce motif du retour fonde un récit du seuil, de l’interstice, dont témoigne son titre qui évoque l’intervalle bouddhiste entre la mort et la renaissance.

Continuer à lire … « Bardo, fausse chronique de quelques vérités »

Kore-eda, à la recherche de la vérité ?

The Third Murder © Toho

Le rapport à l’autre est souvent l’occasion pour les personnages de Kore-eda de faire face à leurs échecs et de tenter de cerner ce qu’on dirait la vérité de ce qu’ils sont. Avant Les Bonnes étoiles, où le trajet de la camionnette accompagne une succession de révélations qui indéfiniment laissent place à une nouvelle incertitude, The Third Murder (2018) et La Vérité (2019) traitaient plus frontalement la question du rapport au vrai et ses thèmes parents, tels que le mensonge, les apparences, le doute, la croyance et le jugement. Alors qu’il est parfois abusivement réduit, sans doute par paresse, à sa portée socio-politique, le cinéma de Kore-eda se pare d’une dimension philosophique certaine, issue d’un regard sceptique sur le monde qui se réfléchit éminemment dans ce diptyque que forment ces deux films, a priori mineurs, et pourtant renversants par leur complexité.

Continuer à lire … « Kore-eda, à la recherche de la vérité ? »

Fumer fait tousser

Au cinéma le 30 novembre 2022

© Gaumont Distribution

Six mois après Incroyable mais vrai, nous revoilà déjà sur la planète Dupieux. Une escale obligée chaque année, à laquelle on consent, pour peu qu’on soit un fervent zinzinphile, sans bouder son plaisir. Alors devant une bande de couillons en lycra bleu et jaune qui corrige une invraisemblable tortue géante, un casting « de malade[s] » et un rat répugnant version scabreuse de Splinter des Tortues Ninja doublée par Chabat, dur de faire la fine bouche.

Continuer à lire … « Fumer fait tousser »

Le Lycéen

Au cinéma le 30 novembre 2022

© Jean Louis Fernandez

« J’aimerais que mon corps prenne toute la place, qu’il soit léger comme une plume ». Ce désir kunderien formulé par Lucas dans Le Lycéen est commun à tous les personnages de Christophe Honoré, chez qui légèreté et gravité, élans du corps et poids des sentiments, soubresauts des sens et tracas de l’esprit, s’entrechoquent.

Continuer à lire … « Le Lycéen »

Le Souffle au cœur

1971 / Ressortie le 9 novembre 2022

© Malavida

S’il n’est pas le plus connu ni le plus commenté des films de Louis Malle, Le Souffle au cœur apparaît comme une pierre angulaire de sa filmographie. Né d’ un amalgame des souvenirs de son adolescence avec un roman de George Bataille (Ma Mère, 1966), il est aussi l’un de ses plus personnels, et son plus grand scandale. Au comble du vice et de l’outrecuidance, le « gentleman provocateur », aux yeux de nombreux spectateurs d’hier – et certains d’aujourd’hui – achève la mémé déjà mourante dans les orties en ne se contentant pas d’étriller la bourgeoisie, ses habitus, son hypocrisie et son inculture, mais en s’emparant du seul grand tabou universel : l’inceste. Et cela bien sûr, comme toujours chez l’auteur, par-delà bien et mal.

Continuer à lire … « Le Souffle au cœur »