« Sweet dreams are made of this, everybody’s looking for something ». Les personnages de Kinds of Kindness sont tous en quête de quelque chose. Pour répondre à leurs désirs, leurs proches doivent faire preuve de gentillesse. Une gentillesse servile, totale.
Plongée sur la silhouette effacé d’Alma (Isabelle Huppert) au milieu des fleurs, le plan inaugural de La Prisonnière de Bordeaux annonce d’ores et déjà, par un jeu de miroir qui convoque furtivement Cocteau, un enfermement subtil de la figure féminine. Face aux personnalités instables qui occupaient jusqu’alors son œuvre, des flics bornés jusqu’aux tueurs dérangés, le virage entrepris par Patricia Mazuy de la brutalité vers une mélancolie sous-jacente a de quoi surprendre et laisser rêveur, impatient de voir ses talents de metteuse en scène s’adapter au mélodrame.
En 1978, trois journalistes français sont invités au Cambodge pour rendre compte de la situation du pays, désormais sous le joug de Pol Pot et ses Khmers Rouges. Escortés partout, jusque dans leur chambre, les journalistes ne voient que ce qu’on veut bien leur montrer.
Plus de vingt ans s’écoulent entre Suzhou River et An Unfinished Film, respectivement premier et dernier film réalisé par Lou Ye. De ce passage du temps, le cinéaste chinois semble en faire le principal sujet de cette nouvelle œuvre, se présentant d’abord comme une mise en abyme quasi-documentaire sur la reprise d’un tournage avorté.
Sorti en 2017, La Planète des Singes – Suprématie s’achevait par la mort du leader César et semblait tirer un trait définitif sur ce reboot de la vénérable saga adaptée du roman de Pierre Boule. Après une ouverture en trait d’union, dans laquelle Wes Ball prête allégeance à la trilogie dont il reprend le flambeau, le réalisateur nous propulse en avant de plusieurs centaines d’années et remet ainsi les compteurs à zéro. L’humanité semble avoir disparu, la nature a repris ses droits, et l’on suit les pas de Noa, jeune singe issu d’une colonie pacifique de dresseurs d’oiseaux. Très vite, cette quiétude est interrompue par l’irruption d’un groupe de primates armés se réclamant de César, qui procède au rapt de la communauté.
Les yeux rivés sur le présent, plongés – volontairement ou non – dans une spirale de violence, les protagonistes mis en scène par Shin’ya Tsukamoto n’ont que faire de ce qui les attend demain, si tant est que le terme leur soit familier. À entendre les paroles d’un ex-soldat japonais, clamant que “peu importe comment on tombe, il n’y a pas d’avenir”, on serait tenté de voir en L’Ombre du feu, dernier opus de sa trilogie guerrière entamée avec Fires on the Plain puis Killing, une logique prolongation des concepts nihilistes établis. Mais une rupture, discrète, est pourtant bien là.
Il y a quelque chose del’opposition entre traditions et modernité dans le deuxième long métrage de la cinéaste et actrice franco-kosovare Luana Bajrami (La colline où rugissent les lionnes). On pourrait croire à une antithèse entre mode de vie rural et citadin, mais le film nous montre rapidement, par le regard de ses deux protagonistes, que le premier ne vaut pas mieux que le second.
« Un match de tennis c’est comme une relation », affirme Tashi Duncan (Zendaya). Mais Luca Guadagnino le filme plutôt comme un rapport : son échauffement, son va et vient – pause, verre d’eau, et on reprend – ses échanges, ses cris et ses points.
Seul, au bord d’une autoroute, ses chaussures posées sur le crâne, Gabriel marche en direction des édifices urbains de San Francisco. Il croise alors un motard qui accepte de le déposer près de chez lui. Pourtant, Gabriel n’a pas de chez-soi. Originaire du Nigeria et exilé aux États-Unis suite à la guerre civile qui sévit dans son pays, il se retrouve malgré lui au cœur d’une communauté en proie aux émeutes, suite aux assassinats de Martin Luther King et de Bobby Hutton en 1968. Malgré ce contexte propice à un pamphlet socio-politique, David Schickele propose avec Bushman une étonnante déviation du regard, qui s’éloigne de l’ampleur d’une telle lutte pour embrasser une touchante individualité. Les émeutes restent donc hors-champ, vaguement mentionnées par instants, face aux déambulations nonchalantes de Gabriel, qui occupent l’ensemble du long-métrage.
La Corse, son sable blanc, sa mer bleue et son maquis flamboyant. La Corse, ses gangs, ses trafics et ses explosions. Dans Borgo, Stéphane Demoustier transforme l’île de beauté en terrain miné. Plus de nature ensoleillée mais la grisaille urbaine. Entre la pluie et les vagues, l’eau commence à monter et Mélissa, gardienne de prison, peine à rester à la surface.