L’Enfer des armes

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© Splendor Films

L’Enfer des armes, troisième film de Tsui Hark jusque-là invisible dans de bonnes conditions, a pour protagonistes trois étudiants passionnés par les bombes. Plus abrutis que terroristes, ils vont faire la rencontre de Pearl, une jeune femme en prise à des pulsions violentes.

L’année dernière, Carlotta a remis sur le devant de la scène l’œuvre passionnante et transgressive de Shin’ya Tsukamoto. L’Enfer des armes est, comme Tokyo Fist ou Bullet Ballet, un film de fureur à la mise en scène pulsionnelle : surdécoupage jusqu’à des images subliminales, caméra virevoltante, montage confus et rapide. On est face à un cinéma coup-de-poing, au sens littéral du terme, agressif et difficile à encaisser. Mais là où Tsui Hark se distingue de son confrère japonais, c’est qu’il joue plus sur le registre de la comédie potache que celui de la crise existentielle pathétique ; burne calcinée et hommes humiliés seront les ressorts d’un comique régressif, à l’image de l’épisode de Tom & Jerry que Pearl regarde chez elle.

Cet humour va de pair avec une violence frontale, à la limite de l’acceptable. Il y a d’un côté la torture sanguinolente d’animaux (que l’on espère fictive au vu de son réalisme), et celle, encore plus dérangeante, de la maltraitance des personnages féminins, traités avec une désinvolture propre aux années 1980. Cette ambivalence entre humour et violence fait état d’un monde en perte de sens (jeunesse perdue, flics corrompus, mafia dans les rues) où seule la transgression permet d’exister. L’utilisation de musiques américaines étrangement familières, de John Williams aux Pink Floyd, contribue à cette absence de repères et crée un état de transcendance. 

La noirceur du récit, jusque-là atténuée par l’humour, se libère finalement dans un climax impressionnant où les personnages s’affrontent dans un cimetière vide, faisant écho à l’épopée funèbre du Bon, La Brute et le Truand. Le découpage est incompréhensible : au royaume des armes, la confusion est maître. Seul survivant de ce massacre, le poltron prend goût à la mort. Tsui Hark achève son brûlot nihiliste avec un pessimisme glaçant.

L’Enfer des armes / de Tsui Hark / Avec Avec Chen Chi Lin, Biu Law Che, Ray Lui / Hong Kong / 1h35 / 1980 – Ressortie le 7 février 2024.

Auteur : Corentin Brunie

Grand admirateur de Kieślowski, Tsukamoto, Bergman et Lars Von Trier, je suis à la recherche de films qui me bousculent dans mes angoisses et me sortent de ma zone de confort. Cinéphile hargneux, j’aime les débats passionnés où fusent les arguments de mauvaise foi. En parallèle de l'écriture de critiques, j’étudie le montage à l’INSAS et je réalise ou monte des courts-métrages à côté.

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