Préférez-vous passer trois années en prison puis jouir d’une liberté totale, sans travail, jusqu’à la fin de vos jours, ou bien accepter encore vingt-cinq années de dur labeur avant la retraite ? – voilà un dilemme, aberrant d’apparence, qui résonne pourtant aujourd’hui en France de manière toute particulière. Morán, ne se limite pas à y songer. Cet employé à la Banque Sociale Coopérative de Buenos Aires se saisit du plan qu’il a manifestement en tête depuis un certain temps… Profitant un soir du départ anticipé de son collègue Roman, il accède à la salle des coffres de l’établissement. L’occasion rêvée pour entraîner Roman dans son crime et en faire un complice malgré lui.
Morán et Roman sont los delincuentes de la liberté. Pour quitter l’emprisonnement causé par leur routine, leur travail et cette capitale, Morán accepte la plus grosse sanction que met en place notre système. Roman, quant à lui, se soumet à une vie de mensonges pour couvrir son collègue le temps qu’il purge sa peine, niant toute accusation pour garder l’argent à l’abri. La mission est lancée pour ce duo miroir et la cible est claire : partager enfin le butin pour vivre heureux et surtout… démissionner.
Ce délit est une action purificatrice, un moyen par lequel la privation de liberté serait l’échappatoire ultime quand le temps est compté. Dès lors, Roman est lui aussi un détenu au delà des quatre murs de cette prison, alors que sa petite amie le quitte et que ses supérieurs exigent une politique de contrôle drastique suite à cette effraction.
Le long-métrage de Rodrigo Moreno signale avec puissance l’enfermement d’un mode de vie devenu la norme. Et dans cette histoire, c’est une autre norme, Norma, qui les guide. Une femme spontanée qui vit à la campagne, aux habitudes presque absurdes et en parfait décalage avec celles de nos deux compères de la ville. Est-ce Norma, incarnation de ce qui doit être, qui les séduit tous deux, ou bien sa vie, plus proche de la nature et aux allures si simples ?
Los delincuentes sème quelques miettes sur le mont du mal de notre époque, quand un retour à l’essentiel semble inévitable. Une vision poétique, une formidable introspection de nos propres volontés et actions. « Avec du pain et du vin, on suit le chemin ». Un vent de liberté et de renouveau souffle soudain.
Los delincuentes / de Rodrigo Moreno / Daniel Elias, Eseban Bigliardi, Margarita Molfino / Argentine, Chili, Brésil, Luxembourg / 3h10min / Sortie le 27 mars 2024.
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