Ricardo et la Peinture

Actuellement au cinéma

© Les Films du Losange

Barbet Schroeder est un personnage de cinéma. Fait connu, le fondateur des Films du Losange a pratiqué maintes fois le caméo, mais Barbet Schroeder est aussi personnage de ses films, plus particulièrement de ses documentaires. Dans sa trilogie du mal, discret, il se discerne en une voix, en un commentaire saillant qui sort de l’ombre et vient brutalement nous replacer dans une certaine lucidité face aux flots d’horreurs évoquées. Alors quand vient la beauté, l’amitié, Barbet fleuri, Barbet sourit, surtout quand il y a Ricardo et sa peinture.

Ricardo Cavallo peint depuis longtemps, à vrai dire il ne peint pas, son être entier est dédié à la peinture. Il a façonné sa vie, ses habitudes, ses sens pour devenir sa peinture : à la fois simple mais si complexe, contemplative, fragmentée et surtout multi facettes. C’est ce que, dans son film, Schroeder s’emploie à porter à l’image : une dévotion monacale. Le temps du tournage Barbet mange avec Ricardo, du riz, des légumes, des fruits, il vit avec Ricardo, sans chauffage, le plus simplement, va peindre avec Ricardo, seul, dans les falaises escarpées. Il faut dire que les deux se connaissent bien. Cette amitié permet ici une transparence avec le spectateur, une vérité dite dans les nombreuses interventions extradiégétiques laissées ça et là au montage. Le lien fort entre le peintre et le cinéaste permet aussi l’installation d’une discussion, d’un vrai échange entre deux vieux amis passionnés, autour de Vélasquez, du Caravage, de la peinture hellénique… Et des souvenirs du passé, des débuts difficiles, des premiers triomphes, le tout en déambulant dans ces lieux, mémoire de leurs jeunesses. 

Beaucoup de choses passent, et c’est là la maestria du cinéaste. Sous une apparence simple, quasi dictée par le naturel, le fil de la conversation, tout est de fait bien plus complexe. Le film se déroule, l’histoire de la peinture se construit chronologiquement dans la parole de Ricardo, en parallèle de son quotidien, des discussions plus triviales, pour finalement en venir à sa propre carrière. Là commencent à s’insinuer en continuité de la parole du peintre, quelques petits élèves peintres, pour mieux discerner une école entière de bambins gouachés, heureux d’être conduits et considérés dans leurs créations par un amoureux des toiles. 

Barbet Schroeder nous donne tout Cavallo, dans l’intimité de Ricardo, lui, ascète, savant, sensible, artiste, et transmetteur. Par-dessus tout heureux de peindre, de savoir que d’autres ont peint et que d’autres peindront.

Ricardo et la peinture / de Barbet Schroeder / Suisse, France / 1h46 / Sortie le 15 novembre 2023.

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