Chroniques de Téhéran

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© TAAT FILMS

Fenêtre sur Téhéran. La ville se délivre lentement d’une épaisse couche grisâtre, brume moderne aujourd’hui aussi appelée pollution. Les sons de la vie d’une capitale retentissent avec fracas. Avions, voitures, cloches, cris, et même corbeaux. Dans un timelapse opposant à la fois la lenteur de la découpe de l’image et la vitesse des fragments mis bout-à-bout, alors que dans le cadre la lumière sur les bâtiments se profile, le bourdonnement de la ville s’intensifie.

En neuf tableaux, neuf portraits, Chroniques de Téhéran rend compte de l’absurdité des situations pourtant les plus banales au sein du siège du pouvoir iranien. Chaque personnage illustre un échantillon des problématiques du pays. Entre l’importance donnée à la religion, la résistance face aux cultures étrangères, les relations de pouvoir et le peu de place laissé à l’expression : la communication dans cet état de surveillance s’avère basée sur le jugement et le mensonge.

Ceux qui font appliquer la loi se terrent dans la déloyauté et l’hypocrisie, quand la population n’a pour autre solution que d’affabuler pour espérer garder son peu d’indépendance. Dans cette ville en construction, l’enchaînement de ces neufs visages devient le signe de l’accumulation des privations de liberté d’un peuple. Après le refus de toute négociation dans des situations qui assujettissent, les représentants du régime questionnent perfidement « Pourquoi êtes vous en colère ? Je suis ici pour vous aider. »

Les réalisateurs Ali Asgari et Alireza Khatami utilisent la fiction pour mieux décrire leur réalité, dans la continuité formelle des traditions filmiques du maître du cinéma iranien, Abbas Kiarostami. Dans chacun des neuf plans, alors que la caméra est toujours statique, une personne seule est filmée de manière à ce que les interventions extérieures soient toujours hors-champs. Dès lors, dans ce qui constitue un dialogue fragmenté, puisqu’il ne va que dans un sens, l’image expose la situation de la population : bloquée, enfermée par le cadre qui lui est imposé.

C’est ainsi avec le spectateur que s’instaure ce dialogue, comme un appel à l’aide. L’écran du cinéma, tel la grille de cette cage, est la paroi imaginaire qui s’érige désormais entre les personnages et les spectateurs. Un quatrième mur. Voici une action prise sur le vif, avant que la ville ne s’écroule. Besoin de neuf…

Chroniques de Téhéran / De Ali Asgari et Alireza Khatami / Avec Bahlan Ark, Arghavan Shabani, Servin Zabetiyan / 1h17 / Iran / Sortie le 13 mars 2024.

Auteur : Lise Clavi

Lise. Fondamentalement indécise, mais de cinéma, définitivement éprise. Mon année à travailler pour des festivals cinématographiques, mon temps libre à cultiver mon intérêt pour l’actualité artistique. Décoller vers une nouvelle destination pour filmer de nouveaux horizons.

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