Dans la peau de Blanche Houellebecq

Actuellement au cinéma

© Bac Films

Michel Houellebecq et Blanche Gardin qui s’enlacent au ralenti sur une plage des Antilles, l’image ne pouvait naître que de la tête de Guillaume Nicloux, artiste hétérodoxe, sympathisant des insolents. Après Thalasso qui se délectait des frasques de l’auteur sulfureux et de (presque feu) Depardieu, ce troisième volet des tribulations houellebecquiennes nous emmène en Guadeloupe pour un concours de sosies que préside l’humoriste. Une fois débarqués sur l’île, le récit tourne vite en aventure gonzo, enthousiasmante par ses excès et par ce qu’elle postule sur l’humour et la société, mais fatalement assommante, comme la chaleur des Caraïbes après des shots de rhum.

Caméra à l’épaule, fidèle à son écriture chaotique, semi-improvisée, s’amusant des frontières entre fiction et documentaire, Nicloux saisit les égarements de ses personnages aussi abrutis qu’attachants, noyaux d’une mise en scène très beat, vouée ab initio à se noyer dans les flots de verbillages et des pitreries sous psychoactifs. Cela sous les regards consternés des habitants, du chauffeur d’une limousine à l’employée de l’hôtel, caustiques, tandis qu’une houle indépendantiste gronde, à laquelle nos artistes de la métropole n’entendent pratiquement rien. La satire postcoloniale, qui crève les yeux, trouve sa vigueur dans cette confrontation de l’icône esquintée Houellebecq – devenue presque avec les ans l’allégorie d’un pays postmoderne désorienté – aux volontés pressantes de changements politiques, éthiques et sociaux.

Sa réunion avec Blanche Gardin, figure idéologiquement antagoniste, plus progressiste tendance marxiste, ne fait rien à l’affaire, celle-ci traînant la même indolence, passive, désarmée face aux fracas contemporains. Ce que Dans la peau de Blanche Houellebecq s’attache ainsi à traduire, à travers un burlesque nonchalant et sa trame digressive, c’est le climat stérile des luttes qui agitent l’époque. Des séquences hilarantes, hélas trop peu fréquentes, l’illustrent. Quand l’écrivain reste mutique, hébété, face aux accusations d’écrire une œuvre trop blanche et misogyne ; ou lors du point d’orgue du film où, confinée dans leur limousine sans air conditionné, la bande se voit blâmée par Cornélius, le chauffeur vengeur de ses aïeux esclavagisés.

Ces sujets graves et complexes, ces bouleversements sociétaux que la doxa nomme « wokes » et qui imprègnent ici les situations, le film s’abstient de les résoudre et n’y répond que par le rire, la dérision, la légèreté, moins sardonique que cathartique, et qu’il érige en principe inaliénable, en rempart contre toute pesanteur. Propos certes plutôt mince mais assez salutaire pour que le spectateur se laisse prendre au jeu.

Dans la peau de Blanche Houellebecq / de Guillaume Nicloux / Avec Blanche Gardin, Michel Houellebecq, Luc Schwarz, Gaspar Noé, Françoise Lebrun / France / 1h28 / Sortie le 13 mars 2024.

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