
Selon certains, les années passent et les films de Wes Anderson se ressemblent, semble-t-il. Pourtant, au milieu de la carrière de plus en plus prolifique de l’auteur américain, les variations tiennent pour maîtres-mots, davantage qu’une quelconque forme de répétition ou de redite.
Ainsi, Asteroid City, nouveau venu au sein de la grande famille Anderson, convoque à nouveau des figures et situations familières – une romance entre deux enfants génies esseulés (Moonrise Kingdom), une figure patriarcale absente (La Vie Aquatique), le deuil d’un parent (Darjeeling Limited) – mais se plaît au détournement et donc au renouvellement de celles-ci. Là où The French Dispatch, sublime trop-plein “andersonien” versant allègrement dans une frénésie jusqu’au-boutiste, marquait à lui seul l’apothéose d’un style longtemps imité, Asteroid City impose dès son ouverture un retour à la simplicité, par ses unités de lieu, d’action et de temps réduites.
La mise en scène en est inévitablement changée, obligée de retourner à des effets plus restreints pour combler cet espace. Longs travellings latéraux, résurgence des zooms, profondeur de champ exacerbée, silences : le long métrage retrouve cette manière habile d’exploiter pleinement le décor, et de renouer avec les potentialités du hors-champ, devenu symbole d’un ailleurs mais aussi d’une absence.
En suivant le dramaturge Conrad Earp et sa construction de la pièce, au cours d’un second récit en parallèle, le long métrage s’ouvre également aux doubles : double-montage évidemment mais aussi doubles-protagonistes (l’acteur et son personnage) et doubles-lectures d’une séquence. Cette complexité est à la fois la force d’Asteroid City, lui permettant l’occurrence de splendides instants de grâce – notamment un déchirant dialogue entre un acteur et une actrice, entre un mari et sa femme défunte -, mais aussi sa grande faiblesse, puisque poussant par sa dimension trop théorique à considérer le premier récit avec une certaine distance.
Il reste néanmoins que cette approche permet au film d’atteindre une forme autoréflexive passionnante. Au cœur de cette mise en abyme, les doutes semblent s’emparer autant des protagonistes que de Wes Anderson lui-même, dont le style embrasse le vide existentiel de tous ces êtres. Certains crieront encore une fois à l’imposture mais sous cette fausse zone de confort, Asteroid City cache une inquiétude à la fois humaine et artistique, énième preuve que l’auteur en a encore – voire plus que jamais – sous le chapeau.
Asteroid City / de Wes Anderson / avec Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tom Hanks, Jeffrey Wright / États-Unis / 1 h 46 / Sortie le 21 juin 2023
« Everything’s connected but nothing works », les mots de Hank le mécano (Matt Dillon), résument assez bien mon sentiment sur ce film fort décevant à bien des égards. Je dirais pour ma part que le stylisme se perd dans le vide existentiel qu’il décrit hélas. Et d’émotion, je n’ai trouvé nulle trace ni le sous le sable ni sous la cendre.
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