Conann

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Conann de Bertrand Mandico

Mandico a fait bien du chemin. Depuis son passage à la prise de vue réelle, ses films semblent avoir élargi le champ des possibles pour toute une génération de cinéastes de genre autrefois cantonnés à un certain degré de réalisme. Après deux longs-métrages remarquables, Bertrand Mandico revient avec une relecture au féminin du personnage créé par Robert E. Howard.

Si Paradis Sale s’opposait aux Garçons Sauvages par un scénario évasif et minimaliste, Conann rebrousse le chemin et place le récit en son centre. Véritable conte sur la sauvagerie, le film témoigne de l’universalité de la violence à travers les âges : les pulsions sadiques vouent l’héroïne au malheur, jusqu’à la dévorer entièrement. Cette portée moraliste résonne d’autant plus que le regard de Mandico semble avoir changé sur ses interprètes, qui s’avèrent bien moins sexualisées qu’auparavant. Fini les corps transgenres ou les jeunes femmes dénudées à outrance, place à une succession de portraits qui surprennent par leur relief tragique. Le cinéma de Bertrand Mandico étant profondément fétichiste, ce regard actualisé lui apporte une fraîcheur nouvelle.

Pour autant, Conann se place encore une fois dans un cinéma de la jouissance : festival d’effets pratiques en tout genre, le film enchaîne les époques et les décors en changeant d’actrice à chaque ellipse. Ces sauts dans le temps retranscrivent le vieillissement prématuré de l’héroïne dans un monde en déclin, en grande partie dû à sa propre violence. De la période antique, on passe alors à une dictature sanguinaire façon nazie à la The Wall. Mais la véritable prouesse du film n’est autre que ce passage dans le Bronx des années 1990, d’un réalisme inédit chez Mandico. La dimension tragique du récit prend ici tout son sens à travers un triangle amoureux sur fond de pacte avec le diable, dans un décor fait de bric et de broc porteur d’un spleen urbain.

Conann apporte un ingrédient inédit aux deux précédents films de Mandico : la mélancolie. En adoptant la peur de vieillir comme fil rouge de ce récit, le cinéaste achève sa trilogie avec une amertume dévastatrice.

Conann / De Bertrand Mandico / Avec Elina Löwensohn, Françoise Brion, Christa Théret / 1h45 / France, Belgique, Luxembourg / Sortie le 29 novembre 2023.

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Auteur : Corentin Brunie

Grand admirateur de Kieślowski, Tsukamoto, Bergman et Lars Von Trier, je suis à la recherche de films qui me bousculent dans mes angoisses et me sortent de ma zone de confort. Cinéphile hargneux, j’aime les débats passionnés où fusent les arguments de mauvaise foi. En parallèle de l'écriture de critiques, j’étudie le montage à l’INSAS et je réalise ou monte des courts-métrages à côté.

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