Hors du temps

Actuellement au cinéma

© Carole Bethuel

Une voix chevrotante décrivant une enfance passée à la campagne. Un diapo photo d’images pourtant filmées. Libre alors au spectateur de laisser vaquer son imagination, Hors du temps. Dans ce prologue, les espaces sont captés sans les Hommes. La voix-off narre dans un premier temps une histoire de ces lieux, des arbres, des habitudes, ou du voisinage, sans la présence des personnages qui l’eurent peuplé.

Avance rapide. 2020, période de pandémie. Paul (Vincent Macaigne) est confiné depuis deux mois. Confiné, en compagnie de son frère Etienne (Micha Lescot), dans un endroit qu’ils ont choisi : la maison où ils ont grandi. Les deux parisiens établis et leurs compagnes respectives apportent avec eux le fruit de ce qu’ils sont devenus : leurs métiers, leurs manies et leurs modes de vie, alors qu’ici le temps s’est arrêté.

Olivier Assayas, dans ce dernier film, nous ouvre les portes de la maison de son enfance – puisqu’il s’agit bien de sa voix qui résonne, hors-champ. L’ouïe et la vue sont dès lors deux choses que le long-métrage distingue. La voix d’Assayas, l’image de Macaigne. Le personnage de Paul devenant ainsi une continuité du réalisateur lui-même, de celui qui s’exprime par l’image d’un autre en tant que « je » et vague à une véritable introspection de son experience de confinement. 

Le passé ne se rejoue pas mais le cinéma a le pouvoir de rejouer le passé. Paul illustre ainsi le discours, l’histoire du réalisateur, par un « je » qui est autre. Si d’une part, il peut s’agir d’un « je » universel – ressentir l’impression de retrouver un chez soi qui ne l’est plus étant une expérience commune -, de l’autre, nous nous interrogeons. Est-ce là l’essence du cinéma d’Assayas, utiliser le grand écran pour mettre en scène son propre passé ?

La dernière œuvre du cinéaste, la série Irma Vep, elle-même adaptation d’un film du même titre réalisé par Assayas en 1996 – soyons bref car tout cela devient très compliqué – mettait déjà en scène un Vincent Macaigne en rôle principal, dans les pantoufles de René Vidal, le réalisateur du film dans la série. L’acteur avait avoué s’être inspiré d’Assayas pour ce rôle. L’alter ego était trouvé.

Si l’on peut reprocher à ce long-métrage son insupportable tendance vers un cinéma d’auteur pompeux, à coups de longues marches philosophiques sur fond de musiques baroques complètement « hors du temps » ; avouons-le, les procédés narratifs mis en place par le réalisateur pour conter ses mémoires, les couches de mises en abyme successives du cinéma d’Assayas, portent elles aussi, le spectateur « hors du temps ».

Hors du temps / De Olivier Assayas/ Avec Vincent Macaigne, Micha Lescot, Nora Hamzawi / France / 1h45 / Sortie le 19 juin 2024.

Avatar de Inconnu

Auteur : Lise Clavi

Lise. Fondamentalement indécise, mais de cinéma, définitivement éprise. Mon année à travailler pour des festivals cinématographiques, mon temps libre à cultiver mon intérêt pour l’actualité artistique. Décoller vers une nouvelle destination pour filmer de nouveaux horizons.

Laisser un commentaire