Caiti Blues

Au cinéma le 19 juillet 2023

© Sister productions

Les États-Unis, nouveau monde parallèle à la vieille Europe, où Venise est une plage de cocotiers et Madrid une ville fantôme cernée par les montagnes. C’est dans ces contrées, justement à Madrid, que Justine Harbonnier a choisi de poser sa caméra pour y filmer Caiti, être ne pouvant exister que dans cette dimension appelée USA. 

Caiti Lord n’est pourtant pas extraordinaire, elle a une belle voix, qu’elle a semble-t-il exploitée dans sa jeunesse avant de s’exiler tragiquement au fin fond du Nouveau-Mexique. Là-bas, elle s’est semble-t-il fait une place comme barmaid, animatrice de la radio locale, figure de la vie communautaire… Mais voilà, Caiti est triste puisque sa vie ne l’épanouit pas vraiment. Point de départ ? Non, la stagnation semble bien installée aux premiers coups de moteurs de la cinéaste. Le radieux sourire de façade de Caiti serait-il le mystère à percer ? Non plus. Lorsque les larmes viennent, le mur reste en place.

Alors quoi ? De l’auto-exégèse: exercice bien connu de la civilisation nord-américaine consistant principalement à s’apitoyer sur son sort tout en pensant sincèrement faire le maximum, le tour n’est pas si simple puisqu’il faut aussi marier causalité externe et libre arbitre. Un si subtil “je peux le faire car je suis fort.e mais le méchant monde extérieur m’en empêche, c’est injuste, je dois penser davantage à moi-même, me convaincre que j’y arriverai et j’y arriverai !” le tout sans action, aucune. Le film suit la marche de sa protagoniste, la caméra collée en gros plan à son visage, l’oreille à ses chuchotements pleins d’angoisse.

Alors oui une certaine complicité se sent entre la réalisatrice et son sujet, sans un mot, en à peine un signe, mais celle-ci semble très vite transformée en un manque de recul certain. Ou peut-être verra-t-on un manque d’empathie d’un humble critique au cœur de pierre… Mais comment s’attacher à quelqu’un qui ne semble se soucier du monde qu’afin de pouvoir mieux l’esquiver ou y voir un reflet satisfaisant ? Non, Caiti ne fait pas de mal, elle chante et écrit même plutôt bien, mais elle ne semble vouée qu’à sa propre condition, hermétique. L’introduction nous laissait déjà entrevoir le malaise ; face au rituel d’une mystique, une vieille dame sensible à sa tristesse, Caiti fond en larmes puis se rétracte, se referme progressivement, le silence s’installe, la gêne prend le dessus. Pour son premier long-métrage, la cinéaste canadienne se sera peut-être tout simplement trompée de sujet.

Caiti Blues / Justine Harbonnier / France, Canada / 1h24 / Sortie le 19 juillet 2023

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