
On avait l’habitude d’appréhender l’œuvre de Mélanie Laurent sous l’angle de la poésie, de l’intimité et de l’émotion (notamment avec Respire, sélectionné à La Semaine de la Critique à Cannes, en 2014). Avec Voleuses, elle signe un film d’action décalé, une comédie dramatique féministe en contre-point des blockbuster américains éminemment masculins. C’est en cela original, mais le film obéit malheureusement la plupart du temps au cliché et au formatage.
Le rythme, très marqué, et signature esthétique du film, alterne dès la première séquence, entre des images dopées à l’adrénaline (Carole, interprétée par Mélanie Laurent court, pour rejoindre sa meilleure amie et sœur de vol, après avoir dérobé des diamants) et des images d’un calme extrême (le plan est fixe et saisit Alex – Adèle Exarchopoulos – allongée sur le toit du quad qui doit leur permettre de s’échapper, racontant ses déboires amoureux). Là se situe le gap : il y a autant, voire même plus, d’importance accordée aux scènes de vie, au quotidien des deux escrocs, qu’au moment de bagarre ou de course poursuite. Comme dans ses précédents films, Mélanie Laurent possède une certaine capacité à diriger des fragments de vie, la trivialité des actes du quotidien, avec un certain naturel : il y a des (fou) rires qui fusent, des regards qui disent l’amour et la proximité entre les deux protagonistes, ponctués de vannes plus ou moins bien maitrisées.
Arrive le jour du dernier coup : Carole veut changer de vie, Marraine (le tête pensante) s’y oppose, et elle recrute alors Sam pour réaliser leur ultime opération. Les personnages possèdent ceci d’archétypal qu’ils semblent tous fondés sur le modèle de femmes badass, fortes, indépendantes, dans l’air du temps (parfois un peu trop, marqué par des références au régime vegan, sans gluten…) : il y a Carole, la grande sœur, qui prône la liberté, la volonté d’élever un enfant seule ; Alex, passionnée par les armes, cachant un coeur dur qu’aucun homme ne parvient à combler ; et Sam, un peu isolée du reste du groupe jusqu’à ce qu’elle finisse par trouver sa place. Elles se ressemblent, portent des voix similaires, comme si elles émanaient de la diffraction d’un même personnage. Leurs failles ne sont révélées que dans des moments de climax émotionnels, et paraissent sorties de nulle part, arrivent sans prévenir et repartent tout aussi tôt, sans en irriguer l’intrigue.
On retrouve dans Voleuses les grands thèmes qui ponctuent l’oeuvre de Mélanie Laurent : la maternité (Les Adoptés), la féminité, la sensualité (combien de fois Alex et Carole se touchent-elles, s’embrassent-elles, se câlinent-elles, allant jusqu’à partager le même lit ?) et l’absence de frontière entre amour et amitié (Respire). Ils sont bien présents, par petites touches, tout comme certains plans qui rappellent l’attrait prononcé pour la lumière de la réalisatrice, mais se laissent submerger par la forme du film, ses plans stéréotypés, la parodie qui se mue finalement en copie où le masculin devient féminin.
De Mélanie Laurent / Avec Mélanie Laurent, Adèle Exarchopoulos, Manon Bresch / France / 1h54/ Sortie le 1er novembre 2023 sur Netflix.