Ça tourne à Séoul ! Cobweb

Au cinéma le 8 novembre 2023

© The Jokers / Bookmakers

Figure centrale de la nouvelle vague sud-coréenne, Kim Jee-woon fait office d’oublié, plus enclin à ravir le public que la critique. Auteur touche-à-tout, à l’aise dans le thriller sanglant (J’ai rencontré le diable, 2011) comme le fantastique (Deux sœurs, 2003), il revient à ses origines avec la comédie dramatique à la violence bon enfant et aux loosers magnifiques. Il piège Song Kang-ho (star de Parasite) en réalisateur au centre du tournage chaotique d’un mélo insignifiant, Dans la Toile, dans la Corée des années 70. Gangréné par le manque de moyen, les magouilles administratives et la censure d’une dictature quasi-mafieuse, le protagoniste semble être le seul à croire en son projet, selon lui chef-d’œuvre progressif et féministe qui prouvera à tous son talent.

Talent qui se perçoit mal dans l’introduction, alors que les mécaniques narratives grinçantes se mettent en place à force de clichés et personnages archétypiques. Des producteurs radins aux critiques arrogants (car jaloux des artistes, bien sûr) en passant par les stars ingrates, Ça tourne à Séoul ! ne cherche pas à révolutionner son genre très particulier des films sur un tournage, rappelant en particulier Ne coupez pas ! (Shin’ichirô Ueda, 2017), la fraicheur et l’euphorie en moins.

L’œuvre ne s’amorce réellement qu’en découvrant le plateau, gigantesque hangar aux multiples environnements et ramifications qui devient à la fois un labyrinthe kafkaïen et un champ de bataille sans merci. Les lignes de techniciens et d’acteurs défilent et chaque porte ouvre sur un univers nouveau, au gré du film absurde qu’ils cherchent à tourner en vain. Kim Jee-woon montre un plaisir communicatif à parcourir ce monde en toc et prouve une véritable maitrise pour accompagner les simagrées burlesques de ses personnages, plus intéressants en tant que collectif dysfonctionnel qu’individualités bien approfondies.

C’est surtout grâce au film dans le film que Ça tourne à Séoul ! parvient à briller. Sorte de pot-pourri de genre, mêlant autant l’horreur que la romance ou le drame sociétal, chaque scène est un bijou de sur-jeu, de techniques datées et d’un récit de série B appuyant l’ambition ridicule de son protagoniste en pleine folie des grandeurs. Culmination jouissive de toutes les incompétences et égos, Cobweb atteint, pour un bref instant, une médiocrité cinématographique réussie.

Cependant, les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures. D’une durée de deux heures quinze, Ça tourne à Séoul ! est incapable de se renouveler, piégé dans son cadre restreint. Malgré les rebondissements rocambolesques incessants, l’œuvre repose sur un humour maladroit, plus fondé sur les grimaces et cris hystériques de ses acteurs qu’une précision dans les dialogues ou les mouvements. Cet échec s’aggrave lorsque l’on glisse dans un registre plus sérieux, concentré autour de son réalisateur déchu auquel Kim Jee-woon s’identifie bien trop clairement. Sentiment quelque fois touchant : on peut comprendre qu’il ne soit pas facile de coexister avec des confrères acclamés comme Park Chan-wook ou Bong Joon-ho. Constat d’autant plus désolant que ce n’est certainement pas avec ce divertissement ringard et convenu que son auteur changera la donne.

Ça tourne à Séoul ! Cobweb / de Kim Jee-Woon / avec Song Kang-ho, Krystal Jung, Jean Yeo-been / Corée du Sud / 2 h 15 / sortie le 8 novembre 2023

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