
Les bonnes intentions ne font pas les bons films. Ce cruel constat, plutôt simpliste il faut l’avouer, s’applique malheureusement bien au cas de Gueules Noires, nouveau long-métrage de Mathieu Turi. Adepte du cinéma de genre depuis ses débuts, le cinéaste français profite cette fois-ci de son budget le plus élevé pour retourner en terre et en langue françaises. Avec son casting de seconds couteaux et son pitch prometteur, Gueules Noires laissait enfin espérer la série B régressive et qualitative dont Turi semblait rêver, sans jamais y parvenir jusque-là.
Dans sa première demi-heure, Gueules Noires ne manque pas d’arguments pour séduire. Débarrassé des héroïnes faussement complexes, le cinéaste recentre ici son récit autour d’un groupe de mineurs certes archétypaux mais correctement dépeints. Plus de deuil ou autres traumatismes cachés, la psychologie de nos héros se trouve ici réduite à peau de chagrin pour le plus grand plaisir d’un spectateur qui attend impatiemment l’éviscération pure et simple de tout ce beau monde. Plus étonnant encore, Turi paraît embrasser avec joie le décor minier et ses potentialités, qu’elles soient socio-politiques (condition ouvrière, colonialisme) ou horrifiques (espace réduit et fragile).
Seulement, une fois que l’intrigue plonge réellement dans l’horreur, Gueules Noires accuse d’un écart criant entre ses ambitions et son exécution. La mine et son potentiel claustrophobique cèdent la place à un espace labyrinthique à peine exploité, imitation peu inspirée des cryptes de The Descent, tandis que la bête, annoncée pendant bien quarante minutes de prologue, ne se révèle être qu’une piteuse marionnette, chaînon manquant entre les imaginaires de H.R. Giger et d’un grotesque train fantôme.
Le manque de moyens se fait donc flagrant mais le projet ne s’articule étrangement jamais en conséquence. Dans une détermination qui force le respect, Gueules Noires refuse toute concession, abandonne le hors-champ et ses possibles jeux de suggestions au profit d’une pauvre tentative de body-horror, pas aidée par ses répliques algorithmiques et sa bande-originale tapageuse. Pour qui accepte alors de troquer peur contre rires, l’oeuvre dévoile son vrai visage : celui d’une joyeuse série Z, qui rappelle – au choix – le pire de Lucio Fulci ou le meilleur de Bruno Mattei.
De Mathieu Turi / Avec Samuel Le Bihan, Amir Abou El Kacem, Thomas Soliveres, Jean-Hugues Anglade, Diego Martin et Bruno Sanches / 1h43 / France / Sortie le 15 novembre 2023.