Immaculée

Actuellement au cinéma

© Metropolitan Film Export

Au cinéma, nicher la terreur au sein de l’Église et ses mythes semble aujourd’hui être une évidence, avec ce qu’elle provoque de clichés et d’hilarité accidentelle. Depuis L’Exorciste, l’horreur américaine s’est hantée de figures virginales possédées par les démons les plus grotesques, troquant la lente pourriture morale et physique du classique de William Friedkin pour des effets-chocs bien immatures aujourd’hui. Immaculée poursuit la tradition blasphématoire et transporte la star Sydney Sweeney, connue pour la sulfureuse teen-série Euphoria, au sein d’un couvent isolé dans la campagne italienne, parasitée par les secrets et les grossesses miraculeuses non consenties.

Dès l’incipit qui présente la première victime du film, il apparait que Michael Mohan porte sans fard les codes et les influences, plus intéressé par le grain de son image que la profondeur de son sujet. Si l’on accepte de parcourir des sentiers battus, le réalisateur s’avère être un esthète doué, capable de magnifier l’architecture baroque et désuète du couvent, véritable atout du film. Dans cet univers obsédé par Dieu et la mort, la figure esseulée de Cecilia (Sydney Sweeney) erre dans des espaces trop sacrés pour elle. Des thermes dorés aux jardins enclavés, l’arène ici érigée avec soin peut autant convoquer une rigueur militaire, le film d’évasion et enfin une horreur à l’imagination que n’aurait pas renié le Marquis de Sade. 

Plus plasticien que conteur, Michael Mohan parait peu se soucier de ses personnages pourtant interprétés avec justesse, Sydney Sweeney en tête. L’actrice offre les visages tordus de peur et de douleur attendus et suit une trajectoire bien sage, sans surprise ni gêne pour le spectateur. Le montage se révèle être d’une précision remarquable, surtout lorsqu’il adopte des mouvements emphatiques et larges, dans une stylisation assumée et jamais artificielle qui rappelle les belles heures du giallo. Un rythme confiant, une image élégante et une star aguerrie : l’horreur a-t-elle trouvée une incarnation réussie ?

Pourtant, l’accompagnement musical, quand il ne ponctue pas chaque sursaut par des crissements de violons tonitruants, boursoufle les images avec des chœurs religieux aux échos menaçants. Les séquences horrifiques s’alternent de façon paresseuse avec les instants de paix jusqu’à ce qu’il paraisse évident que l’œuvre tourne en rond jusqu’à s’essouffler. Au terme du massacre final de bon aloi, Immaculée pervertit ses arguments les plus convaincants : nous quittons l’ambiance vénéneuse du couvent pour une sombre crypte qu’on pourrait exhumer de n’importe quel autre film de monstre ; la lente érosion corporelle de l’héroïne laisse place à un gore m’as-tu-vu qui agresse chaque partie de l’anatomie de Sydney Sweeney réduite à un simple objet ensanglanté et hurlant. Une coda faussement audacieuse achève l’œuvre par un énième tabou choquant pour mieux abandonner son héroïne aussi épuisée que le spectateur.

Immaculée / de Michael Mohan / avec Sydney Sweeney, Benedetta Porcarolli, Simona Tabasco / USA, Italie / 1 h 29 / sortie le 20 mars 2024

Laisser un commentaire