Kubi

Festival de Cannes 2023

KADOKAWA © T.N Gon Co., Ltd.

À l’issue de la projection cannoise, Takeshi Kitano nous rassure : la prochaine fois, il viendra avec un meilleur film, nous dit-il, fidèle à la désinvolture qu’on lui connaît. Dommage qu’elle ne se déchaîne pas à la hauteur de ce que promettait Kubi, sa nouvelle incursion dans le genre chanbara 20 ans après Zatoichi. Un film au budget conséquent pour un film japonais qui mériterait donc pour son réalisateur la Palme de la lucidité.

Adaptation d’un de ses propres romans, Kubi nous emmène dans le Japon du XVIe siècle où des Samouraïs inféodés au Seigneur Oda Nobunaga, excentrique et avide de conquêtes, se prennent littéralement la tête, s’adonnant à moult décapitations au gré de querelles intestines pour la succession au trône sur fond de romances gays. Un jeu de massacre qui aurait pu être amusant s’il ne cédait pas tant au verbiage (pourtant inhabituel chez Kitano) ni à la tentation de décupler les personnages, « tous timbrés », aux dépens de la clarté narrative, de l’épaisseur des caractères et d’une quelconque velléité esthétique dont le spectateur ne verra même pas une trace infime.

Pourtant, la veine burlesque de Kitano, registre dont il fut l’un des plus fins artisans, arrive à faire sporadiquement mouche. Au détour d’une parodie de scène topique, où un paysan se réjouit à la découverte du massacre de toute sa famille, ou encore d’un rituel de seppuku qui ne suscite que des bâillements. Distordre les codes du film de sabre, ses archétypes et scénarios motifs, aurait toutefois pu faire l’objet d’un traitement ô combien plus incisif. Ce n’est que partiellement que le travestissement opère, et le spectateur ne tarde pas longtemps à sentir l’émoussement de Kitano, moins tranchant que naguère, ne parvenant à décrocher qu’un ou deux sourires au rythme des décrochages de têtes. Encore faudrait-il qu’il sache sous quel registre s’exprimer. Comble de la débâcle : seul le dernier plan déclenche l’hilarité, contenant dans un geste le sens du film ; celui précisément de son absence de sens, la vanité des luttes et des quêtes de pouvoir.

Kubi / De Takeshi Kitano / Avec Takeshi Kitano, Hidetoshi Nishijima / Ryô Kase / Japon / 2h11 / Festival de Cannes 2023 – Cannes Première

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