Au cimetière de la pellicule

Au cinéma le 5 juillet 2023

© Dean Medias Distribution

Au cimetière de la pellicule prend la forme d’un western documentaire : caméra au poing et perche dans le dos, Thierno Souleymane Diallo traverse les villages guinéens et interroge les populations, guidé par ce qui ressemble à une rumeur. Il n’est pas à la recherche d’un homme mais d’un film : Mouramani de Mamadou Touré, premier court-métrage guinéen, dont les seules traces se trouvent dans des livres ou sur des bases de données.

L’objectif semble inatteignable : rares sont ceux à en avoir entendu parler et personne ne l’a vu. Les cinémas sont désormais abandonnés, laissant derrière eux des pellicules détériorées et anonymes. L’abandon de ces lieux de vie donne le vertige tant ils sont remplis d’histoire. « On n’a pas la culture des archives », dit un ancien censeur au service du régime. Cette phrase nous rappelle que les archives ont beau être une nécessité, elles sont aussi un luxe. L’Histoire est écrite par les vainqueurs : tandis que les grands réalisateurs français sont constamment célébrés, étudiés, restaurés et édités, le patrimoine des pays pauvres est dédié à l’oubli. 

Mais suivant l’adage qui préfère le voyage à la destination, Thierno Souleymane profite de sa quête pour recréer une expérience collective du cinéma, quelque part entre Talking about trees et le Ciné-train d’Alexandre Medvedkine : il intervient dans son ancienne école, filme les enfants jouer aux gangsters, organise des projections en plein air. Dans un pays où le septième art est cantonné au foyer (il n’existe plus que trois salles de cinéma dans toute la Guinée), cette démarche ambitieuse et ludique séduit. 

Malgré ses quelques imperfections, à l’image d’un passage en France didactique à l’humour absurde un peu hors sujet, Au cimetière de la pellicule est une ouverture passionnante et nécessaire à la question de la préservation du patrimoine et de ses difficultés. Quant à la création d’un nouveau cinéma guinéen, on attend impatiemment de retrouver Thierno Souleymane pour sa première fiction, intitulée Un village à vendre.

Au cimetière de la pellicule / De Thierno Souleymane / Guinée, France, Sénégal, Arabie Saoudite / 1h33 / Sortie le 5 juillet 2023.

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Auteur : Corentin Brunie

Grand admirateur de Kieślowski, Tsukamoto, Bergman et Lars Von Trier, je suis à la recherche de films qui me bousculent dans mes angoisses et me sortent de ma zone de confort. Cinéphile hargneux, j’aime les débats passionnés où fusent les arguments de mauvaise foi. En parallèle de l'écriture de critiques, j’étudie le montage à l’INSAS et je réalise ou monte des courts-métrages à côté.

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