
Afin de célébrer la fin du lycée, trois meilleures amies partent pour la Crète avec pour mission d’essayer le plus de boissons et de partenaires possibles. En particulier pour Tara (Mia McKenna Bruce), la plus bruyante et la plus vulnérable, prête à tout pour perdre sa virginité et dont ces vacances fantasmées prendront des allures de baptême de feu et enfin de cauchemar, notamment à travers le charmant mais maladroit Badger (Shaun Thomas), son voisin de palier. Titre ironique pour ce film lauréat du prix Un Certain Regard à Cannes : How to have sex montre les pires façons de vivre sa première fois.
Premier long métrage de la réalisatrice, il en présente les symptômes avec en premier lieu le thème usité d’une jeunesse hystérique dont la sexualité est exacerbée à des niveaux peu crédibles. On peut citer en exemple Badger qui accepte des fellations de trois inconnues devant des centaines de personnes, sans aucune intervention du côté de la police… En second lieu, Molly Manning Walker cède aux sirènes de la conflictualisation narrative facile, dont le cas le plus grave est la vénéneuse Skye (Sarah Peake, impeccable), normalement meilleure amie de l’héroïne qui se révèle être une harpie jalouse à l’agressivité aussi choquante qu’injustifiée. Sans tomber dans l’écueil d’une œuvre conçue par des jeunes pour des jeunes, How to have sex présente une certaine maladresse dans son propos en confondant trop souvent la vitalité par des cris et que tous les échanges entre ados se réduisent à des piaillements abscons, avec les sempiternels parents trop exigeants, l’anxiété du futur professionnel et les romances difficiles.
Impression qui heureusement se délite au fur et à mesure que l’œuvre amorce une direction plus sombre et réfléchie. La sexualisation ambiante, incitation permanente à coucher, s’innerve d’un suspens glacial. Chaque situation festive semble pouvoir dérailler à tout moment, et derrière chaque interlocuteur croisant le chemin de la protagoniste trop influençable peut se tapir un prédateur impitoyable. Les fêtes étudiantes débridées sont ici poussées à leur paroxysme logique et cru : une cacophonie de bruits et de couleurs aliénantes, préludes aux gueules de bois comateuses réduisant nos héros à des corps souffrants et la ville en un désert urbain abandonné… jusqu’à ce que la nuit tombe et que la fête reprenne, implacable.
Loin de rester en surface, Molly Manning Walker dissèque la nightclub culture et son cycle jour-nuit abrutissant, ses hiérarchies sociales fragiles, les rares bons sentiments trop souvent noyés dans un océan de cocktails bigarrés, d’immaturité émotionnelle et de libidos (auto)destructrices. Ni fataliste ni optimiste, le tableau peint par la jeune autrice est précis et juste, apte à souligner autant les atours les plus lumineux comme d’oser des scènes très dures, à la limite du soutenable. On lui pardonne ainsi sa fin en queue de poisson, happy end trop soudain où Em (Enva Lewis), personnage alors périphérique, expédie une morale naïve pour clôturer maladroitement une ivresse émotionnelle jusque-là renversante.
How to have sex / de Molly Manning Walker / avec Tia McKenna Bruce, Sarah Peake, Enva Lewis, Shawn Thomas / Grande-Bretagne, Grèce / 1 h 38 / sortie le 15 novembre 2023