Lady Vengeance

2005 / Ressortie le 6 mars 2024

© Metropolitan FilmExport

Éclipsé peu ou prou par son prédécesseur culte, Lady Vengeance, ultime segment d’une « trilogie de la vengeance » de Park Chan-wook, retrouve avec ses deux aînés Old Boy (2003) et Sympathy for Mister Vengeance (2002) la lumière des salles. L’occasion rare de (re)découvrir peut-être ce rubis devenu au fil des ans discret, emblématique du style corrosif et chiadé du cinéaste, acteur fécond avec ses pairs Bong Joon-ho et Kim Jee-woon d’un âge doré du cinéma sud-coréen.

Une sortie de prison : le visage fermé, Geum-ja rejoint un groupe de chanteurs grossièrement affublés en pères noël, que dirige un pasteur tout aussi grotesque, un brin illuminé. Écrouée il y a treize ans pour l’enlèvement et le meurtre d’un garçon de six ans dont elle s’est accusée, celle qu’on nomme « la sorcière » apparaît comme un ange aux yeux du pasteur fanatique. Tandis qu’il l’accueille avec un gâteau blanc au tofu, pour « vivre blanc » et ne « plus pécher », la jeune femme le renverse, en un geste que souligne un raccord tranchant sur cymbale, résonnant contre le sol. « Allez vous faire foutre », dit-elle, avant de s’esquiver sous ses lunettes noires, et de sortir du champ. Ou comment introduire avec éclat un personnage.

En une brève et percutante séquence inaugurale, qu’enrobe sa verve ironique qui le distingue, Park Chan-wook situe Geum-ja dans un interstice trouble, se dérobant invariablement aux autres, autant qu’à nous. Ni ange, ni démon, ambivalente, la lady vengeance et son plan mûrement fomenté du meurtre du vrai coupable du crime qui la condamna n’éclaireront que faiblement la lanterne morale du spectateur. Au cours d’un récit filandreux, ramifié par de nombreux flash-back qu’affectionne l’auteur, la longue mise en place de la vengeance du personnage manifeste sa trajectoire aporétique. Celle d’une rédemption impossible et d’une justice insatisfaisante.

La force de l’œuvre, plus que dans sa virtuosité formelle qui frise le maniérisme, penchant souvent reproché à Park Chan-wook et qui semble le poursuivre, réside ainsi dans le portrait déroutant de son anti-héroïne, sorte d’anti Béatrix de Kill Bill, sorti deux ans plus tôt. En contre-pied des schémas archétypaux du revenge movie américain, complaisant avec ses personnages et la violence qu’ils expriment, celle-ci restant dans Lady Vengeance presque toujours hors champ, Park Chan-wook prend le parti critique et judicieux d’inciter son spectateur à demeurer actif, interrogeant ses valeurs et ses représentations.

Lady Vengeance / de Park Chan-wook / Avec Yeong-ae Lee, Min-sik Choi, Shi-hoo Kim / Corée du Sud / 1h55 / Sortie le 16 novembre 2005. Ressortie le 6 mars 2024.

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