Borgo

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La Corse, son sable blanc, sa mer bleue et son maquis flamboyant. La Corse, ses gangs, ses trafics et ses explosions. Dans Borgo, Stéphane Demoustier transforme l’île de beauté en terrain miné. Plus de nature ensoleillée mais la grisaille urbaine. Entre la pluie et les vagues, l’eau commence à monter et Mélissa, gardienne de prison, peine à rester à la surface.

Dans l’unité 2, les prisonniers vivent « cellules ouvertes » et l’enceinte carcérale appartient à la collectivité : les membres des différents gangs y vivent en paix. Le métier de gardien ne vise plut tant à cloisonner et surveiller mais à naviguer entre les groupes, à parvenir à s’y insérer. Stéphane Demoustier filme la prison en allant à l’encontre de son image habituelle : ici, c’est un lieu de convivialité. Et c’est décidement entre ces murs que Mélissa se sent la plus libre. Lorsque les prisonniers entament un chant corse en son honneur, leurs voix lui parviennent depuis les cellules et éclatent dans l’air lorsque les portes s’ouvrent. La vie se faufile et fuit par tous les trous hors du cachot. L’unité 2 est un îlot de calme sur une île en tempête, car les vraies limites de Mélissa sont les cotes de la Corse. Sa cohabitation avec ses voisins, son quotidien avec son mari et ses enfants : les actes de violence, de pression et de frustration existent en dehors de son travail, en dehors de la prison. Très vite, l’engrenage s’enclenche : un service est rendu sans qu’on l’ait demandé et, dès lors, on est redevable. 

La protagoniste fait passer des informations du dedans au dehors, et progressivement, les deux finissent par se mélanger. Inspiré de faits réels, Borgo alterne scènes de la vie de Mélissa et enquête sur la vie de Mélissa. Temps présent et flashbacks se succèdent : l’enquête cherche à élucider un point que la séquence d’après incarnera. Aux côtés des détectives, le spectateur a donc un temps d’avance sur l’héroïne tout en en sachant moins qu’elle. Bien qu’un peu trop régulière au bout du compte, cette alternance narrative confère au film un rythme fluide, précis. Polar carcéral intelligent et porté avec conviction par Hafsia Herzi, Borgo renouvèle astucieusement la représentation de la Corse – de son grand cœur à ses grands bandits – sur les grands écrans continentaux.

Borgo / De Stéphane Demoustier / Avec Hafsia Herzi, Moussa Mansaly, Louis Memmi / 1h58 / France / Sortie le 17 avril 2024.

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Auteur : Chloé Caye

Rédactrice en chef : cayechlo@gmail.com ; 0630953176

Une réflexion sur « Borgo »

  1. Belle chronique qui navigue de cellule en cellule et indique les grandes lignes de cette superbe réussite, film maîtrisé dans sa forme comme dans l’écriture, servi par une musique aux échos hitchockiens signée Philippe Sarde. Un pur Film Noir à l’ombre du soleil méditerranéen.

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