
Dans Culte, Nicolas Slomka et Matthieu Rumani racontent l’avénement de Loft Story, la première émission de télé-réalité française. La série d’Amazon Prime porte bien son nom : l’objet désigné est d’abord violemment rejeté par la presse et une partie des spectateurs avant d’obtenir une notoriété telle qu’on lui confère à postériori le statut de « culte ». C’est peut-être là l’élément le plus intéressant de la série : à savoir, capter ce moment de fracture entre la vocation d’information de la télévision et sa nécessité de divertir. Une fracture qui s’exprime, et est représentée parfaitement dans Culte, également de façon générationnelle, au début des années 2000.
Loft Story, plus que son concept voyeuriste, choque de par ce qu’il montre d’une nouvelle génération, considérée par ses ainés comme pratiquement décérébrée. Finalement, ce qui terrifie les patrons de télévision ou le CSA n’est pas tant que les « lofteurs » inspirent les jeunes générations mais que cette dernière s’identifie à eux. La représentation, imagée et continue, de ces adolescents incultes rend concrète et visible leur existence.
Les tribulations juridiques et médiatiques de l’émission et de ses candidats permettent donc à la série de questionner le principe même de télé-réalité, son rejet ou son acception. Nicolas Slomka et Matthieu Rumani n’ont pas pour dessein d’y répondre, ni de les juger mais de raconter, de les reconstituer. Mais leur neutralité s’efface quelque peu concernant la figure Loana. La ré-appropriation (ou réécriture) de la jeune femme – apparemment des plus brillantes, tentant de reprendre en main son destin, des plus tragiques – s’avère parfois trop appuyée. Même si, au demeurant, Marie Colomb incarne admirablement la « bimbo au grand cœur ».
À l’inertie des lofteurs s’oppose la frénésie de la régie. Aux côtés de deux producteurs : Raphaël (César Domboy, le charmant frenchie que les américains s’arrachent) et Isabelle (l’épatante Anaïde Rozam), Culte nous plonge dans les coulisses de Loft Story. Si la structure de la série finit par devenir programmatique (à chaque épisode, l’émission risque d’être annulée et est sauvée in extremis), on ne peut s’empêcher d’être captivé par une cadence soutenue et un suspens permanent. Le plateau 103 devient le loft des équipes de PPP (Philippe Palazzo Productions). Comme les téléspectateurs qui suivent les jours et les nuits des lofteurs, nous suivons les longues heures de leurs producteurs. Et leurs aventures rocambolesques permettent d’assurer la tranquillité des candidats, elle jamais perturbée.
Ce condensé de rythme, d’humour et de supers deals en francs est une réussite qui n’est pas sans rappeler celle de Dix pour cent. Les agents ont laissé la place aux producteurs qui se malmènent non plus pour répondre aux caprices des stars mais, cette fois, aux caprices des téléspectateurs.
Culte / Saison 1 – 6 épisodes /52 min par épisode / De Nicolas Slomka et Matthieu Rumani / Avec César Domboy, Anaïde Rozam, Marie Colomb et Sami Outalbali / 2024 / Disponible sur Amazon Prime.