Stars at Noon

Au cinéma le 14 juin 2023

© Curiosa Films

Dans un Nicaragua post-Covid et sous tension à l’approche de nouvelles élections, Trish, une journaliste américaine à qui l’on a confisqué le passeport et la carte de presse, erre, boit et se prostitue en attendant de pouvoir quitter le pays. Lorsqu’elle rencontre un riche et bel anglais au bar de l’hôtel InterContinental, elle croit tenir la personne qui la sortira de ses ennuis. Mais fréquenter le jeune homme finit par la mettre en danger…

Le packaging est alléchant : le synopsis, la bande-annonce, la musique des Tindersticks, l’obtention du Grand Prix à Cannes l’an dernier… Bref, on s’attend à un bon film de Claire Denis. Malheureusement, on sort de la séance quelque peu frustré et déçu : Stars at Noon tourne à vide.

Malgré ses deux heures et dix-sept minutes, cette adaptation du roman de Denis Johnson reste à la surface de son intrigue. Le film se contente de mettre en place une atmosphère moite et oppressante dans laquelle il s’embourbe, à l’image de la voiture volée par les protagonistes pour fuir une menace fantôme. Claire Denis s’est sensiblement écartée du contexte géopolitique qui caractérisait le Nicaragua décrit par Denis Johnson. Alors que le roman se déroulait dans les années 90, à un moment crucial pour l’histoire du Nicaragua, le film met en scène un chaos politique archétypal et réducteur. Le pays apparaît simplement comme l’une des multiples républiques d’Amérique du Sud qui vivent sous le giron états-unien. Le contexte politique demeure ainsi une vague toile de fond à la passion qui dévore les deux personnages.

Et l’on peine à croire à cette passion fulgurante seulement décrétée par la mise en scène. Les personnages s’enrobent de mystère comme dans un mauvais film d’espionnage. Elle dit qu’elle a navigué entre un peu de ci et un peu de ça, il raconte qu’il est dans l’humanitaire. L’écriture des protagonistes reste en définitive superficielle. Face au danger qui les guette, ils ont un sens des priorités assez douteux. Ils font un tour au marché, boivent des coups, couchent ensemble, prennent le temps d’un slow dans une boîte de nuit vide, couchent ensemble. Même dans leur cavale, ils ne perdent pas le nord : la voiture embourbée se révèle être un lit confortable pour accueillir de nouveaux ébats. Ces scènes, par ailleurs bien filmées, confirment que Stars at Noon reste un film de surface. Si le thriller politique a un goût d’inachevé, c’est parce qu’il est un prétexte pour filmer deux corps. L’échelle des plans, souvent rapprochée, manifeste cela.

L’intégration des codes du film d’espionnage est donc superflue et maladroite. Trish est sensée être une héroïne subversive parce qu’elle boit du rhum comme du petit lait, méprise les Nicaraguayens et saute dans des flaques. Quant à l’Anglais, avec son costume blanc, ses martinis, et son pistolet caché dans un vanity, il déploie une panoplie caractéristique de l’espion insondable. À force de distiller ça et là les éléments d’un complot politique qui demeurera opaque pour les spectateurs, le film devient agaçant. Finalement c’est comme si l’on regardait des enfants jouer. On ne comprend pas les règles et eux non plus ; ce n’est pas palpitant à regarder, mais ils semblent s’amuser comme des fous.

Stars at Noon / De Claire Denis / Avec Margaret Qualley, Joe Alwyn, Benny Safdie / France / 2h17 / Sortie le 14 juin 2023.

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