
C’est un premier film intriguant, à l’esthétique marquée, empruntant au genre du thriller tout en peignant poétiquement le portrait d’une enfant livrée à elle-même. Paula raconte l’histoire éponyme de cette petite fille aux traits sauvages, vivant seule avec son père. Alors que les vacances d’été approchent, ils décident de partir dans un endroit reculé : une petite maison au bord d’un lac, aussi perdue et esseulée que le deviendra l’enfant.
Se joue dès lors un enfermement, autant physique que psychologique : l’étau se resserre mécaniquement et machinalement, par l’emprise du père sur sa fille, toujours entremêlée d’amour, d’une dose de caresses, de bienveillance – semble-t-il. La bicoque plantée au milieu des arbres ressemble, au premier regard, à celle que l’on décrit dans les contes de fées : joliment meublée, en tous points charmante ; peut-être un peu trop. Mais cette naïveté apparente s’étiole au moment de la rentrée scolaire, quand, au milieu d’une fête enragée, alors que le père et sa fille dansent autour d’un feu, dans le noir de la nuit, il décide soudainement de retirer Paula de l’école. La maison se transforme, devient bête féroce, mue, se métamorphose : les cloisons tombent, les pièces cohabitent.
L’intimité disparaît. La chambre de Paula, aux murs imposants, vert d’eau, devient prison. Les issues sont de moins en moins visibles, la forêt prend des allures cauchemardesques, par le traitement des images virant au bleu foncé, qui accentuent les ombres portées. Le corps de la fillette apparaît déchiqueté par la caméra, découpé par les plans. Elle n’est jamais capturée dans son entièreté : les gros plans dictent la dynamique, coupent, tranchent brutalement, comme si Paula n’était pas réellement maîtresse de son anatomie, qui la dépasse, la rend captive.
La mise en scène, éminemment incarnée, charnelle, emprunte la vision du père qui réifie la jeune fille, et semble la suivre, l’envelopper derrière elle, comme une ombre. Le mot d’inceste n’est jamais prononcé, mais les images, par métaphores, tendent à faire sentir au spectateur la gravité du drame : les gestes ne trompent pas, une manière de filmer qui vient révéler un comportement sous-jacent, jamais montré, toujours suggéré. Et c’est ce sens de l’image, qui figure les sentiments de son personnage dans un univers oscillant sans cesse entre tendresse et cruauté, qui parvient à gagner notre intérêt.
Paula / De Angela Ottobah / Avec Finnegan Oldfield, Aline Helan-Boudon, Océan / France / 1h38/ Sortie le 19 juillet 2023.