Une année difficile

Au cinéma le 18 octobre 2023

© Carole Bethuel – 2022 Quad Films – Ten Cinéma – Gaumont – TF1 Films Production

Qu’est-ce qu’un bon Nakache et Toledano ? Question légitime, car après 7 longs métrages parmi lesquels d’immenses succès populaires et critiques (Intouchables, Nos Jours Heureux, Le Sens de la Fête ou encore Hors Normes), on est en droit de s’interroger sur le secret de la réussite des comédies sociales du tandem. Ce qui amène également à disséquer leur 8ème et dernier film, Une Année Difficile, ne réitérant ni la recette ni l’accueil de ses prédécesseurs. 

Alors Nakache et Toledano, c’est quoi ? D’abord une situation, un lieu, un décor qui cristallise et souligne un ou des enjeux sociaux. Puis des personnages, des figures, parfois un peu archétypales mais toujours efficaces. Travaillés avec finesse, dirigés avec soin, les protagonistes du duo de cinéastes ont cette fragilité humaine en commun, qui dans le cycle classique du cinéma social se voit dépassée voire transfigurée en une force animée par le collectif, le groupe, le milieu. En cela leurs films ne diffèrent pas vraiment de la traditionnelle fiction sociale, à ceci près que, là où un Ken Loach mettrait davantage l’emphase sur les problématiques sociales sous un prisme empathique, eux choisissent de mettre en lumière le comique des situations et des interactions, l’humanité sous-jacente à chaque appel à l’entraide. Il s’agit donc davantage de drames sociaux-comiques que de comédies sociales. C’est probablement ce regard, drôle, tendre et bienveillant sur des hommes et des femmes de la rue, du quotidien qui a séduit le public. Une Année Difficile emprunte au moins à cette formule cette focalisation sur les personnages mais s’oublie très vite autour d’un comique forcé, d’enjeux factices, d’un essoufflement collectif…

Albert (Pio Marmaï) et Bruno (Jonathan Cohen) sont surendettés, l’entrain à la surconsommation a fini par avoir raison de leurs bourses et de celles de leurs proches. Au bout du rouleau, ils participent aux ateliers d’Henri (Mathieu Amalric) bénévole dans une association d’aide au surendettement. C’est là qu’ils découvrent, dans le bâtiment voisin, le collectif de lutte contre le changement climatique de Valentine (Noémie Merlant), dite “cactus”. Nos deux protagonistes y voient un moyen de se faire un peu d’argent facile mais, puisque la narration l’exige, finissent par plus ou moins adhérer à la cause défendue. 

Les séquences d’introduction sont toujours un tremplin particulier dans les films du duo, sorte de métonymies elles résument en quelque sorte à échelle réduite les problématiques sociales rencontrées dans le film : la séquence de course contre la montre au début d’Intouchables mettait en lumière une relation, un besoin commun de se trouver, de changer d’air, par delà les différences physiques ou sociales ; celle de Samba traversait toute l’échelle sociale au travers d’une salle de restaurant luxueux, des clients au plongeur, Samba, un immigré sans papiers… Elle concentre ici l’essentiel des défauts du métrage : les personnages se rassemblent, se pressent devant une grille au son d’une musique semi-épique ; les uns attendent devant les grilles l’ouverture d’une fnac pour le Black Friday, les autres, militants écologistes, la bloquent en protestation. Tout sonne faux, vide, creux, personne n’y croit, quelque chose ne va pas. On joue la comédie, si bien que ce qui d’habitude sert clairement à mettre en exergue protagonistes et enjeux, devient un simulacre maladroitement sérieux de la Course Aux Jouets.

Voilà la tare principale d’Une Année Difficile, un film qui semble peu concerné par son sujet et qui, sans situations ou personnages clairement caractérisés, tourne très vite à la gêne, voire à l’agacement. Alors oui, les acteurs paraissent s’amuser, mais leurs aventures comme leur combat nous laissent un peu pantois. On en viendrait presque à croire que pour Oliver Nakache et Eric Toledano, l’écologie n’est pas un sujet très sérieux.

Une année difficile / Par Eric Toledano, Olivier Nakache / Avec Pio Marmaï, Jonathan Cohen, Noémie Merlant / 1h 59/ France / 18 octobre 2023 en salle.

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