
Le biopic de Sean Durkin se déploie académiquement autour de la destinée tragique de quatre frères, les Von Erich, projetés avec violence dans le monde du catch.
Le film débute par une scène en noir et blanc, relatant des exploits sportifs de Fritz Von Erich. L’image apparaît d’emblée bien trop léchée, sans aspérité, lisse, et n’a d’autre but que celui hautement conventionnel, de nous plonger dans le passé. Il s’agit cependant d’un temps qui conditionne tout le film, puisque c’est sous la volonté insatiable de Fritz (une forme d’hybris dévastatrice) que ses quatre fils se voient propulsés sur le ring. Sous la pression paternelle, ils sont obligés de poursuivre le rêve inachevé de leur père. Ce dernier est présenté à la fois comme leur coach sportif, et comme l’homme de décision de la famille, agissant sur les corps, et sur le mental de ses fils qui semblent embrigadés dans une rage de vaincre à la sonorité tragique.
Retour au présent, quand les teintes plutôt criardes d’un soleil levant pointent, pour signifier encore une fois, enfonçant des portes ouvertes, que nous sommes dans les années 70, suivant l’ascension de Kevin. Une voix off – autre signature formaliste du biopic – place l’histoire dans une forme de fatalité, en racontant qu’aux yeux de tous, la famille Von Erich est maudite – maudite depuis le décès prématuré de l’ainé. La lutte, mentale comme physique, devient le seul remède capable d’étouffer la malédiction.
Nous faisons face alors à un Zac Effron body-buildé, aux veines saillantes, aux abdos marqués, aux muscles décuplés : un rôle bien loin de ce à quoi il avait habitué les adolescentes en sueur à ses débuts ; mais pourtant adulé, certes différemment, mais adulé, encore, par une gente féminine lui demandant des autographes à la sortie de ses combats.
Ce n’est ensuite qu’une succession de coups, ponctuée de sang et de sueur, d’entrainements dans la maison familiale, qui trouvent une cohérence dans le montage : celui-ci lie, dans un fondu enchaîné, l’effort des séances de musculation, aux compétitions de catch elles-mêmes, comme si la nécessité de l’une permettait la réussite de l’autre, comme si la première puisait son énergie dans la seconde. Le film s’attarde alors à capturer chacun des parcours ; celui de Kevin, en passant par Kerry, David, et Mike, alternant les trajectoires, les ascensions, les défaites, via un point de vue omniscient. Mais le destin ne tarde pas à frapper à la porte, et la destinée se met en place. La virilité et la masculinité, dans ce qu’elles comportent de plus obscur, de plus nocif, mais aussi de plus addictif, sonnent le glas de la mort. Les décès se succèdent, un peu vite – comme des rebondissements scénaristiques trop huilés.
Le film se clôt sur une image d’Épinal, reflet du happy end hollywoodien, mais depuis longtemps désuet, naïf, d’autant plus quand il est accompagné d’une tendance conservatrice, faisant la part belle au rêve américain : il s’agit, pour vivre en paix, de posséder une femme, deux enfants, un chien, une belle voiture et une jolie maison.
De Sean Durkin / Avec Zac Effron, Harris Dickinson, Jeremy Allen White / Grande-Bretagne, USA/ 2h13 / Sortie le 24 janvier 2024.