Only the River Flows

Actuellement au cinéma

© KXKH Films

Les premières minutes de Only the River Flows suscitent l’espoir inopiné d’un thriller moins balisé qu’attendu. Dans un prologue métaphorique, un enfant affublé d’une cape en plastique s’amuse avec ses compagnons à reproduire une scène de poursuite. Cherchant ses amis, le faux petit flic pousse une porte donnant sur le vide, une ville dévastée, comme en chantier. Indice d’une œuvre réflexive, politique, traversée par les enjeux socio-économiques de l’époque qu’elle décrit, et d’une enquête erratique sous le régime du doute et d’une béance infranchissable.

Mais les volutes tabagiques qui embrument les plans nocturnes, le maniérisme vintage de l’effet argentique et l’irrésolution programmatique du récit dissiperont assez vite cet élan d’enthousiasme. On suit le détective Ma Zhe, figure archétypale, ici quasi stéréotypée dans son aura solitaire et ténébreuse, embourbé dans une affaire de meurtres en bord de rivière, à Banpo, petite ville aux airs parfois ruraux signifiant une Chine en mutation – on est dans les années 90 -, d’une longue ère communiste vers le socialisme de marché. Un contexte de restructuration qui justifie narrativement le transfert du bureau d’investigation dans un cinéma désaffecté. Si cette fantaisie métafilmique paraît ludique, désignant la conscience du film de son ascendance générique, on aura bien du mal à la trouver productive et à y déceler davantage qu’une flatterie maline à l’égard du spectateur cinéphile. Si ce n’est toutefois qu’elle participe, ostentatoirement, d’une déréalisation d’un univers diégétique où la frontière entre l’aire du rêve et de la réalité s’abolit, à mesure que le subconscient de Ma Zhe envahit peu à peu le monde visionné.

Only the River Flows tire son charme de cette expansion du sujet dans l’espace du réel, dont procède une ambiguïté fantastique qui réanime le trouble, instillé déjà par la matière fangeuse de l’image et quelques saillies poétiques – des effusions de sang connotées par la pluie – que la tiédeur du récit conjointe à une mise en scène figée par trop de retenue, et de fétichisme nostalgique d’un cinéma révolu, ont épuisé. L’immixtion d’un récit dans un autre, celui intime de l’angoisse de la paternité en sein d’une enquête aux prises avec la violence d’une société tournée contre l’individu et ses singularités, se tisse enfin malhabilement, achevant un objet qui peine à s’élever au-delà du rang des anecdotes artificielles.

Only the River Flows / de Shujun Wei / Avec Yilong Zhu, Zeng Meihuizi, Tianlai Hou / Chine / 1h42min / Sortie le 10 juillet 2024.

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