Dossier 137

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“Maman, pourquoi tout le monde déteste la police ?” Vaste question posée par Rémy à sa mère, Stéphanie, enquêtrice de l’IGPN chargée d’enquêter sur une bavure lors d’une manifestation de Gilets Jaunes. Vastes réponses que se promet de livrer Dossier 137, nouveau long-métrage de Dominik Moll.

En embrassant à nouveau le point de vue du fonctionnaire, Moll travaille une forme de rigueur déjà employée dans La Nuit du 12. Monde de PV, de rapports en tous genres et d’enquêtes sur VLC, l’affaire a ceci de séduisant qu’elle se construit précisément dans une forme de non-séduction, en opposition avec les tendances spectaculaires du polar moyen. Exit les interrogatoires musclés et les interventions armées d’un Cédric Jimenez ou d’un Olivier Marchal, le bureau redevient le principal repère de l’enquête, et le champ/contre-champ, la forme principale de cette entreprise. Ce classicisme, lavé de toute afféterie, collé aux faits et rien qu’aux faits, pourra être confondu avec un certain académisme — ce qu’il peut être par instants — mais réserve pourtant une foi en l’image plus précieuse que le tout-venant.

Si la parole — des accusés comme des victimes — ne vaut rien, c’est effectivement à l’image de rétablir une possible vérité. Le numérique prend ainsi un contrôle total des mécanismes d’investigation. En invoquant une résurgence des vidéos téléphoniques, sources principales pour les enquêteurs, Moll se confronte au contemporain et à son expression première, arrivant ainsi — plus qu’avec La Nuit du 12 — à l’heure sur son sujet, mais aussi sur son genre.

Mais dans ce grand maelstrom d’images, une manque néanmoins à l’appel : celle de Guillaume Girard, touché à la tête par un tir de LBD. En invisibilisant, et en résumant par les dialogues, l’image de la victime, l’ancrage de Dossier 137 ne tarde pas à interroger. Si Moll entend redonner, par le plan final, la parole à Guillaume, son absence jusqu’alors ressemble moins à une réflexion prise en charge par la mise en scène qu’à une négligence dangereuse — finalement révélatrice de la véritable question qui se joue ici : pourquoi donc tout le monde déteste-t-il la police ? À cette question initiale, à laquelle le film n’apporte d’ailleurs que des réponses prudentes, se joue la véritable tension d’un projet qui gagne, par son pragmatisme, une efficacité implacable, mais qui manque finalement le cœur de son sujet.

Dossier 137 / de Dominik Moll / Avec Léa Drucker, Yoann Blanc, Guslagie Malanda, Stanislas Merhar, Côme Peronnet, Antonia Buresi / 1h56 / France / Au cinéma le 19 novembre 2025.

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