
Cela fait déjà 24 ans que le cinéma l’Arlequin, situé au cœur du 6e arrondissement de Paris, est devenu un rendez-vous incontournable pour découvrir le cinéma allemand à travers des films inédits. Durant une semaine, une douzaine de longs-métrages sont projetés, dont beaucoup ont été aperçus dans les sections parallèles du festival de Berlin. L’éducation (Benni), la religion musulmane (Oray), le mariage forcé (Juste une femme), le poids des crimes de guerre dans le présent (L’Affaire Collini), les films aux thèmes ancrés dans la société allemande prédominaient, donnant à lire, avec plus ou moins de réussite, un certain état d’esprit de la création contemporaine outre-Rhin. Et cela devient si rare qu’il faut le saluer : les séances sont précédées par des courts-métrage, formats dans lesquels résident, souvent, le plus d’inventivité.
Deux longs-métrages ont particulièrement retenu notre attention. Dans All my loving, Edward Berger raconte la distance qui sépare les enfants d’une famille, des quarantenaires qui font chacun leur vie de leur côté. Tendant par endroits du côté de Ruben Östlund (Snow Therapy, The Square), le film convainc dans sa décomposition en trois parties bien distinctes, chacune étant consacrée à la vie d’un membre de la fratrie. Le premier frère est un pilote de ligne qui vit seul dans un appartement et passe d’une relation à l’autre dans les bars des aéroports, tandis que le deuxième est un père au foyer toujours doctorant, qui va s’occuper quelques jours de ses parents. Leur sœur, dans le même temps, part en vacances en Italie, perturbée à l’idée de quitter son chien pour quelques jours. Ces fragments d’existence se déroulent sur la même temporalité et insistent, non sans ironie, sur le sentiment de vacuité de la vie quotidienne d’êtres qui en perdent le sens. Le récit de leur isolement parle, encore et toujours, de la famille, inépuisable sujet de cinéma. Lorsqu’on bascule dans une histoire, le personnage principal de la précédente s’évapore et le lien filial se dissipe, soulignant la difficulté de résoudre ses problèmes personnels lorsque la cellule familiale est désunie.
En ouverture du festival, on découvrait L’audition d’Ina Weisse. Le film narre l’histoire d’Anna (Nina Hoss), professeure de violon au conservatoire mariée à un luthier (Simon Abkarian), au moment où elle croit reconnaître en un nouvel élève le talent d’un musicien en devenir. La rigueur qu’elle impose dans sa discipline est un contrepoids à la liberté avec laquelle elle mène sa vie privée, avant qu’elle ne vienne révéler ses propres failles lorsqu’on lui propose de remonter sur scène. Qu’importe si le film souffre de certains déséquilibres et que la rivalité naissante entre le fils d’Anna et son nouvel élève ne soit traitée que partiellement, car le film s’attache surtout à faire le portrait de sa protagoniste, une femme indépendante et exigeante. Elle est incarnée par l’exceptionnelle Nina Hoss, dont la présence à l’écran fait événement à chaque instant. À retrouver au cinéma le 6 novembre prochain.