Le voilà enfin dans nos salles de cinéma, le grand rejeté des critiques et des festivaliers cannois cette année. Dans ce sixième long-métrage, Jessica Hausner nous fait passer la grille d’entrée d’un lycée. Un groupe d’élèves est réuni pour un atelier novateur à l’initiative d’une nouvelle professeure, Miss Novak. En fond sonore, un chœur a cappella, des chaises disposées de manière circulaire, une salle de classe et un club en option. Dans cette ambiance très Glee, s’impose l’inhospitalité d’une mise en scène glaciale. L’objectif de ce cours étant le suivant : faire prendre conscience aux étudiants de la manière dont ils s’alimentent.
Cette idée, dans l’air du temps et des plus raisonnables sur le papier, s’avère en réalité beaucoup plus obscure. Miss Novak, sous ses airs de catho coincée, s’érige en véritable tyran du bien-être, poussant graduellement l’accomplissement de cette pratique pour ses participants à son paroxysme : ne plus s’alimenter du tout. Les adolescents, comme hypnotisés par la répétition des propos de leur enseignante, finissent par suivre ce mouvement, qui vire à l’obsession.
À l’heure où les questions de harcèlement scolaire font débat, Club Zero met en perspective la facilité avec laquelle une jeune génération peut se laisser influencer. À la manière d’automates, Miss Novak et ses élèves semblent incarner le vide émanant de la jungle de ces nouveaux médias que nous consommons, jonchée de fake news et de stupides informations. Vide de relations, vide dans les cerveaux, vide dans les assiettes. Comme on l’imagine bien, les conséquences physiques et mentales d’habitudes menant à la malnutrition ne tardent pas à se faire voir. Cette culture du développement personnel à outrance est-elle une forme de harcèlement ?
Sans crier au chef d’œuvre, il faut rendre à Hausner ce qui est à Hausner – car il est évident que la réalisatrice ne moque pas les personnes touchées de troubles de comportement alimentaire. Il ne s’agit pas de méprise ou d’insignifiance, mais de la très juste réunion de ce qui pourrait tendre à une société d’hébétés oubliant ses propres limites, d’un humour grinçant et d’une méticuleuse esthétique propre à l’auteure. C’est tout à son honneur. Il ne s’agit pas tant de troubles alimentaires que de la détresse de notre époque. La réaction des critiques en serait-elle la preuve ?
Club Zero / De Jessica Hausner / Avec Mia Wasikowska, Sidse Babett Knudsen, Elsa Zylberstein / Autriche / 1h50 / Sortie le 27 septembre 2023.
CULTURE AUX TROUSSES 