Killers of the Flower Moon

Au cinéma le 18 octobre 2023

© Paramount Pictures France

Depuis Silence, le cinéma de Martin Scorsese n’a plus rien à prouver et entame un virage certain vers une forme crépusculaire, confirmée par The Irishman et le chant du cygne qu’il orchestrait autour de ses gangsters usés par le temps. En adaptant librement le roman de David Grann, sur le massacre du peuple Osage dans l’Oklahoma du XXe siècle, Killers of the Flower Moon dépose une nouvelle pierre à l’édifice de cette fin de carrière, marquée par la mort et les regrets.

Du haut de ses 3h30 et de son intrigue macabre, Killers of the Flower Moon annonce la couleur du spectacle à venir : un long rise-and-fall, sur fond de meurtre et d’appât du gain. Tout cela sonne familier ? C’est bien normal, tant le nouveau-venu fait appel aux précédents travaux du cinéaste, de la structure des Affranchis jusqu’au récent Loup de Wall Street et sa satire grotesque du capitalisme. Cet effet de répétition déçoit progressivement, à mesure que sont éloignés certains éléments novateurs – la géniale Lily Gladstone, reléguée à une maigre figure symbolique dans la seconde moitié – au profit d’arcs narratifs maintes fois ressassés et narrés ici sans grand génie. 

C’est précisément sa nature-même de film-conteur qui semble freiner Killers of the Flower Moon. Sur un plan purement théorique, l’œuvre se révèle évidemment passionnante puisque son sujet historique est la porte ouverte vers un panorama de l’Amérique moderne, entre racisme systémique et capitalisme véreux. Dans un exercice en constante évolution, le montage déploie une lente descente aux enfers, d’abord ambiguë puis levant le voile sur la corruption totale du monde par plusieurs alternances de points de vue, notamment lors de brillantes séquences de meurtres aussi succinctes que glaciales.

Le film y gagne une proposition esthétique forte, celle d’embrasser à bras le corps la mécanique capitaliste, mais dans les faits, le tempo s’en trouve inévitablement fragilisé. Killers of the Flower Moon devient in fine académique et presque télévisuel, que ce soit par son découpage – qui agit par exhaustivité et ne laisse aucune séquence respirer -, son écriture un brin unidimensionnel – le personnage de Dicaprio et son interprétation grotesque en ligne de mire – ainsi que son esthétique numérique passe-partout. 

A défaut d’enrayée, la machine-Scorsese paraît donc diminuée par son lourd dispositif narratif. L’apparition finale du cinéaste reflète alors le paradoxe qui imprègne Killers of the Flower Moon. Une manière pour Scorsese de livrer un hommage ému aux victimes dont il conte l’histoire, mais également d’avouer qu’il n’en est qu’un simple narrateur, trop timide pour transcender son sujet.

De Martin Scorsese / Avec Leonardo DiCaprio, Robert De Niro, Lily Gladstone et Jesse Plemons / 3h26 / USA / Sortie le 18 octobre 2023.

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