Il reste encore demain

Actuellement au cinéma

© Luisa Carcavale

L’état d’une époque passée. L’espoir d’un avenir meilleur. Il reste encore demain tisse par son sujet comme par sa forme, de nouvelles perspectives. « Il reste encore » : dans une position de maintien et sans baisser les bras, des actions sont encore à accomplir. « Demain ».

Réalisatrice et rôle principal de ce film, Paola Cortellesi met en exergue avec son premier long-métrage la vie d’une famille dans l’Italie machiste de l’après-guerre. Delia (Paola Cortellesi) et Ivano (Valerio Mastandrea) viennent d’un milieu populaire. Ils ont trois enfants. Alors que leur fille aînée s’apprête à se marier, Delia se livre à l’introspection de son rôle au sein de la famille mais également de ses envies et de sa situation de femme. Si le patriarcat est dépeint et dénoncé avant tout de manière caricaturale, Cortellesi ne tombe jamais dans une accusation facile et agressive – devenue pourtant aujourd’hui trop souvent la norme.

La mère de famille est gentille et serviable, un éternel sourire triste suspendu au visage, alors qu’à chaque faux pas, son mari la frappe. Le film en noir et blanc est ancré dans la réalité de son époque, les scènes de désordre à la maison nous rappelant les films d’Antonio Pietrangeli, de De Sica ou plus tard, d’Ettore Scola. Si en fonction de leur statut, les familles sont plus ou moins éduquées, peu importe le milieu social, la présence féminine en dehors de la cuisine est toujours oubliée ou ignorée.

L’actrice italienne à l’origine de ce projet cinématographique joue sur le grotesque des situations. Elle teste en permanence le spectateur sur la nature de ce qu’il voit. On peut ainsi se demander dès les premières minutes : s’agit-il d’une représentation stéréotypée ? l’adaptation sur grand écran d’une telenovela ? d’un drame ? d’une comédie à l’italienne ? Parmi cette profusion de genres, un premier parti pris esthétique dans une scène de retrouvailles sera nécessaire afin que le spectateur épouse pleinement le rythme du récit.

Delia rencontre au détour de ses pérégrinations dans le village son amant passé, le garagiste-mécano seductos aux cheveux gominés et au bleu de travail abimé. Elle lui offre une tablette de chocolat qu’ils partagent. Dès lors, dans un plan clichissimo au ralenti, la caméra entre en rotation autour des deux tourtereaux, laissant découvrir des sourires niais d’amoureux et du chocolat plein les dents. Librement et sans transition, Cortellesi affirme dans cette mise en scène un savoureux second degré, que nous continuerons d’apprécier malgré un scénario glaçant.

Il reste encore demain s’imprègne de différentes influences inspirées des traditions du cinéma et de la télévision. C’est ce qui fait précisément la richesse de cette œuvre à la fois fracassante, parodique et glorieuse : un objet du passé mais surtout un objet du futur. 

Il reste encore demain / De Paola Cortellesi / Avec Paola Cortellesi, Valerio Mastandrea, Romana Maggiora Vergano / 1h58 / Italie / Sortie le 13 mars 2024.

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Auteur : Lise Clavi

Lise. Fondamentalement indécise, mais de cinéma, définitivement éprise. Mon année à travailler pour des festivals cinématographiques, mon temps libre à cultiver mon intérêt pour l’actualité artistique. Décoller vers une nouvelle destination pour filmer de nouveaux horizons.

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