Le Comte de Monte Cristo

Actuellement au cinéma

© Pathé

Après le pénible Asterix et Obélix : L’Empire du Milieu (Guillaume Canet, 2023) et la réception en demie teinte du diptyque Les Trois Mousquetaires (Martin Bourboulon, 2023), Jérôme Seydoux et les studios Pathé poursuivent leur entreprise de réhabilitation du film à grand spectacle hexagonal, avec cette nouvelle adaptation du classique d’Alexandre Dumas. Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, déjà scénaristes des aventures de D’Artagnan et Milady, se voient confier la réalisation et affichent une ambition inchangée : bâtir une fresque ample et romanesque sur un socle culturel patrimonial à même de mobiliser massivement le public estival dans les salles obscures.

Pour parvenir à leurs fins, le duo de réalisateurs bénéficie d’un budget confortable de 43 millions d’euros et d’une tête d’affiche au star power assuré. Dans le rôle d’Edmond Dantès, jeune marin trahi et jeté en prison où il cultive patiemment sa vengeance, Pierre Niney fait preuve d’un investissement total, tant sur le plan physique (adepte de la transformation, Dantès change fréquemment d’apparence), qu’oratoire. Ancien pensionnaire de la Comédie-Française, Niney s’accommode bien de la langue dumasienne qui vise avant tout la formule et l’efficace. Le film donne à voir – et sans doute pour la première fois – l’acteur comme corps agissant, rampant, bondissant, et n’est pas sans rappeler les gesticulations acrobatiques d’un Belmondo grande époque. Sont également à ranger du côté des bonnes surprises le travail sur l’écriture, consistant essentiellement à synthétiser un récit fleuve de près de deux mille pages en trois heures de métrage. Réduit à l’essentiel, fusionnant voire éliminant certains personnages, le scénario conserve du roman sa dimension feuilletonnante et audacieuse.

Cependant, si force est d’admettre que Le Comte de Monte Cristo a bénéficié de beaucoup de soin dans sa confection, on ne peut s’empêcher de ressentir un ennui poli s’installer au fur et à mesure du visionnage. Alors à qui la faute ? A l’ambition démesurée de ramasser en un seul film la folie et les rebondissements incessants d’un roman foisonnant d’idées ? Peut-être. Aux enjeux budgétaires colossaux qui pèsent sur les épaules d’une œuvre devant plaire à tous·tes et ne rebuter personne (avec en tête les échecs commerciaux des trois films mentionnés précédemment) ? Certainement. Incolore, la mise en scène des réalisateurs du Prénom (2012) agi comme un rouleau compresseur aplanissant la fièvre et la fureur qui transpirent des mots de Dumas. Gelé dans un glacis joli mais éteint, le film ne parvient jamais à émouvoir ni à faire frémir son spectateur et finit même par susciter son indifférence. Restent des décors somptueux et des paysages de cartes postales, emballés dans une esthétique télévisuelle de reportages patrimoniaux qui sied bien mal à l’ardeur brûlante d’un ouvrage qui, en lieu du frisson de l’aventure promis, se change en une visite au musée assommante. Au moins vous aurez la clim.

Le Comte de Monte Cristo / De Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte/ Avec Pierre Niney, Bastien Bouillon, Anaïs Demoustier/ France / 2h58 / Sortie le 28 juin 2024.

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