
Les frères Larrieu présentaient cette année au Festival de Cannes leur bouleversante adaptation du livre éponyme de Pierric Bailly, Le Roman de Jim. Ancré dans la réalité de notre époque, voici le récit de l’aventure d’un personnage illustrant avec justesse les schémas familiaux d’aujourd’hui. Mis en scène comme un véritable roman visuel, le passage du livre à l’image est retranscrit à merveille dans une œuvre qui questionne la paternité au sein d’une famille recomposée. Mais si le film est dédié à Jim, c’est Aymeric (Karim Leklou), son père adoptif, qui raconte l’histoire.
Notre narrateur retrouve par hasard Florence (Laetitia Dosch), son ancienne collègue et maman célibataire en devenir. À la question « qui s’occupera de ce ou de cette loustique ? », Florence répond « Ben moi, avec celui qui sera là quand il sortira ». Une façon bien pratique d’engendrer, et voilà qu’Aymeric devient l’heureux père du petit Jim… Jusqu’à ce que le géniteur de Jim réapparaisse. Ce dernier bouscule le désordre établi et décompose graduellement cette famille recomposée.
Le spectateur est connecté aux souvenirs chronologiques d’Aymeric. Une retranscription fidèle de l’expérience de la mémoire humaine lorsque l’on raconte son histoire. Soit une version tantôt déformée, tantôt accélérée. À vingt ans, notre personnage principal avoue ne pas se souvenir de ce à quoi il ressemblait à cette époque : il est incarné par un Karim Leklou de quarante-et-un ans. De même, Florence enchaîne, trop vite, à leur rencontre les anecdotes la concernant, comme si elle se devait d’en effectuer une énumération rapide et sensée.
Aymeric poursuit cette narration aux allures de conte, car il y a quelque chose de l’ordre du fabuleux dans leur quotidien. L’enfance de Jim a des dimensions magiques, au rythme de leur vie à l’écart du monde, dans une chaumière et à proximité d’une forêt, sur fond de musique aux tonalités merveilleuses et féériques. Bien qu’éloignés de toute source susceptible de leur faire du mal, Christophe (Bertrand Belin), le père de Jim refait surface, comme par dés-enchantement. Blotti dans leur canapé, l’air nébuleux, Christophe revendique sa place pour offrir à Jim une paternité partagée. On retire peu à peu la possibilité à Aymeric de voir ce fils qu’il a élevé.
Le Roman de Jim nous amène à réaliser combien la vie de tout un chacun dépend et oscille en fonction des personnes avec qui il ou elle choisit de la partager. Le long-métrage met en exergue dans un récit organisé de moins de deux heures, ce qui constitue les différentes phases de l’existence. Comment en arrive-t-on à considérer certains épisodes de notre propre vie comme ceux d’ « une autre vie » ? Comment nos modes de vie amènent aujourd’hui une réorganisation et une réinterprétation d’un concept jusqu’à lors clair et intouchable : la famille.
Le Roman de Jim / De Arnaud Larrieu et Jean-Marie Larrieu / Avec Karim Leklou, Laetitia Dosch, Sara Giraudeau, Bertrand Belin / 1h41 / France / Sortie le 15 août 2024.