Covas do Barroso, chronique d’une lutte collective

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© Météore Films

Séquence 1 : Montagne. Ext / Jour. Plan large sur la silhouette d’un fermier. Il cherche ses chevaux, mystérieusement effarouchés. Le fermier se rapproche de Castanho, son étalon blanc, et l’apaise. Générique.

Ces quelques minutes pourraient tout droit sortir de Nope, dernier film de Jordan Peele, mais constituent en réalité l’étrange introduction d’un projet qui l’est tout autant dans son entièreté, intitulé Covas do Barroso, chronique d’une lutte collective. À la croisée du documentaire et de la fiction, le nouveau long-métrage de Paulo Carneiro entreprend de reconstituer la lutte d’un petit village portugais face à l’entreprise britannique Savannah, désireuse d’ouvrir des mines de lithium aux alentours.

L’imaginaire fantastique amorcé n’est en réalité qu’une façade dissimulant le véritable projet esthétique. Comme le suggère plus explicitement son titre original, A savana e a montanha, il s’agit avant tout de filmer un territoire, dans toute sa richesse. À l’instar du récent Le mal n’existe pas, Carneiro fait de l’espace naturel un protagoniste à part entière, qui occupe ou attire toujours le cadre. Face à la menace industrielle — constamment maintenue hors champ ou réduite à de légers motifs (les ouvriers, notamment) —, cette présence insistante du paysage donne corps à ce que les habitants cherchent à préserver coûte que coûte. Là réside néanmoins le grand paradoxe de cette chronique d’une lutte collective, occupé à filmer l’espace et non pas son sujet politique.

L’ancrage choisi par le long-métrage n’en demeure pas moins intéressant, préférant une épure narrative et esthétique totale pour ramener la lutte à un dispositif figuratif radical. Covas do Barroso ne filme pas des personnages à proprement parler, mais des silhouettes collectives à peine caractérisées. La modestie du combat engagé — se déroulant à la faveur de réunions clandestines dans une grange ou au bord d’un lavoir —, associée à cette mise en scène, confère au film des accents burlesques par instants, mais l’empêtre surtout dans un certain didactisme général, qui se suffit à accumuler linéairement les différentes phases de la révolte.

À trop vouloir créer une forme singulière, le film devient avant tout un exercice de style qui se mord constamment la queue : trop distancé pour filmer des visages mais pas assez burlesque pour incarner des corps, trop théorique dans sa relégation de l’ennemi au hors-champ mais également trop concentré sur sa mécanique révolutionnaire pour embrasser complètement la nature et son mysticisme. L’arrivée finale des paysans en tracteur apparaît alors comme l’aveu d’échec, à la fois esthétique et politique, de cet objet pourtant curieux. Après avoir filmé un groupe anonyme, Covas do Barroso redécouvre enfin des visages et, par extension, l’humanité qu’il avait jusqu’ici invisibilisée.

Covas do Barroso, chronique d’une lutte collective / de Paulo Carneiro / Aida Fernandes, Maria Loureiro, Elisabete Pires, Daniel Loureiro, Rita & Inês Mó / 1h17 / Portugal, Uruguay / Sortie le 26 mars 2025.

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