Édouard Baer déboule au milieu du public : il joue une pièce dans le théâtre d’à côté mais à cause du regard mal placé d’un spectateur il a été pris de panique. Il s’est alors empressé, nous raconte t-il, de quitter le théâtre et s’est réfugié ici, avec nous. Il s’excuse élégamment de cette interruption et nous demande de lui accorder ce lieu de refuge le temps d’une soirée. Subtilement, il se fraye alors un chemin dans le public et se hisse sur la scène.
Lâcheté délicieuse qui permet au comédien d’entamer une réflexion sur le mythe de l’acteur : sous l’aisance artificielle de ce dernier se cacherait un être sensible, rongé de doutes nous assure t-il. Le seul en scène porte bien son nom puisque rapidement le comédien se perd dans des envolées lyriques et comiques avec cette maîtrise désinvolte qui lui est propre. Avec des textes de Camus, Romain Gary, Malraux et des enregistrements audio de Jean-Pierre Marielle ou Jean Rochefort, il illustre gaiement ses théories.
Un bar en fond de scène, un téléphone posé sur le comptoir et le trio opus 100 de Schubert comme léger bruit de fond, c’est tout ce qu’il faut à Édouard Baer pour s’amuser de la nature du théâtre et de ses interprètes, qu’il nous rend plus sympathiques que jamais. Avec ce charme mélancolique qu’on lui connaît, il nous propose de rêvasser avec lui, le temps d’une fuite.
Les élucubrations d’un homme soudain frappé par la grâce / D’Édouard Baer / Avec Édouard Baer, Christophe Meynet / Reprise du 7 janvier au 15 février 2019 au théâtre Antoine.