La Bonne Epouse

Au cinéma le 22 juin 2020

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Juliette Binoche et Noémie Lvovsky ©Memento Films Distribution

Les films de Martin Provost parviennent toujours à exhumer les histoires de personnalités oubliées, moins connues que nombre de leurs contemporains, pour leur offrir un écrin romanesque et saluer leur mémoire. On se souvient de Séraphine (2008), qui racontait l’histoire d’une peintre internée dans un asile, et de Violette (2013), biographie sur vingt ans de la romancière Violette Leduc. Cette fois, ce n’est pas une personne mais une institution dont le réalisateur nous rappelle l’existence : les institution ménagères, où les jeunes filles apprenaient à devenir des épouses modèles.

La Bonne Épouse commence son action en 1967. Au cœur de la campagne alsacienne, Paulette Van Der Beck (Juliette Binoche, radieuse) enseigne à ses élèves les rudiments pour commencer leur vie de femme. Cuisiner, coudre, repasser, s’oublier soi-même… Bref, tout ce qu’il faut savoir et mettre en pratique pour devenir une bonne épouse. Epaulée par sa belle-sœur Gilberte (Yolande Moreau, la muse du cinéaste) et Sœur Marie-Thérèse (Noémie Lvovsky, hilarante), Paulette répète inlassablement un grand nombre de règles qu’elle applique à sa propre vie. Mais au moment où la figure masculine de la maisonnée disparaît, le changement des mœurs se fait sentir. Et si tout cet enseignement ne faisait-il pas parti d’un passé révolu ?

Le retournement du personnage de Juliette Binoche est très soudain, presque abrupt. Il dit le décalage qui l’habite, s’extrayant d’un carcan patriarcal dont elle enseigne pourtant chacun des piliers. Ce qui fonctionne encore mieux pour raconter l’émancipation féminine passe par les changements quotidiens. La prise de conscience se concrétise par des nouveaux vêtements, un rapport autonome à l’argent, autant de bouleversements qui entrent en conflit avec la rigidité d’un système, jusqu’ici bien ancré dans les habitudes. Pour le mettre en scène, Martin Provost choisit des couleurs vives et une esthétique de vignette, proche de l’illustration ou de la bande-dessinée, créant par un effet de succession de saynètes un rythme très plaisant. La direction artistique du film est très soignée, autant que chacun des rôles principaux. Le film offre des partitions écrites sur mesure aux actrices. Le trio féminin capte toute l’énergie du film, mais citons aussi l’inspiré Edouard Baer. Il faut le voir réciter la recette de l’apfelstrudel accroché à une gouttière.

Les premiers rôles font un peu d’ombre au groupe de jeunes filles, alors que l’émancipation féminine propre à l’époque intervient au moment crucial de leur adolescence, période dont le cinéma peut si bien raconter les mutations. Elles existent surtout lorsqu’elles découvrent l’amour et la liberté, comme dans cette séquence musicale où la radio joue un rôle clé. Celle-ci laisse anticiper la transformation du film en comédie musicale. C’est inattendu mais bienvenu, comme cela l’était dans Adults in the room de Costa-Gavras (2019). À priori, rien à voir entre les deux films, le second étant un drame politique sur la crise grecque, mais leur parti pris musical final se place sur la même ligne : faire en sorte que la disruption du rythme et du genre même du film puisse raconter un tournant politique et social. Symbole d’un retour en arrière dans le film de Costa-Gavras, elle est l’expression d’un bond en avant dans La Bonne Epouse.

La Bonne Epouse / De Martin Provost / Avec Juliette Binoche, Yolande Moreau, Noémie Lvovsky, Edouard Baer, François Berléand / France / 1h49 / Sortie le 22 juin 2020.

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