Seberg

Sur Amazon Prime Video le 23 juillet 2020

Kristen Stewart est Jean Seberg © PROKINO – Filmverleih – GmbH – 2019

Pas assez radical pour tenir lieu de parabole contemporaine, pas assez raté pour être jeté tout entier avec l’eau du bain : Seberg est un film imparfait mais digne de curiosité, doublé d’un terrain de jeu idéal pour son actrice, sans conteste l’une des meilleures de sa génération.

Révélation du Hollywood classique puis égérie de la Nouvelle Vague française, Jean Seberg aurait pu faire partie du panthéon des grandes stars d’Hollywood et marcher pour l’éternité aux côtés des Lauren Bacall, Shirley MacLaine et autres Ingrid Bergman. Las, la vie nous réserve parfois de bien cruelles surprises. A l’aube des années 70, la jeune femme se rapproche des Black Panthers, qui continuent alors de secouer une société américaine toujours très policée. A l’occasion d’une rencontre dans un avion, elle se laisse séduire par Hakim Jamal, membre important de l’organisation, qui devient son amant. Sans le savoir, ce sera pour la jeune actrice rebelle le début d’une campagne de harcèlement moral d’une cruauté sans pareille, opération orchestrée par le F.B.I. ultra-conservateur de J. Edgar Hoover.

Jean Seberg en Jeanne d’Arc livrée aux flammes, c’est là la toute première image du film, inspiré du Sainte Jeanne d’Otto Preminger (1957), qui marquait ses débuts au cinéma. Seberg martyre de l’obscurantisme, une vision doublement chargée de sens, car en plus d’associer ces deux figures célèbres aux destins funestes, cette scène a bien failli virer au drame, Seberg manquant de finir carbonisée le jour du tournage. Restera de cet épisode une cicatrice que les mains d’Hakim découvriront lors de leurs premiers ébats, comme une annonce des souffrances à venir.

Il y avait là une jolie piste à suivre que celle de mettre en parallèle la riche filmographie de l’actrice et ses tourments personnels, mêler l’intime et le grand spectacle. Le film ne suivra malheureusement pas ce trajet bien longtemps, le métier de Jean demeurant toujours au second plan, l’accent étant ici clairement mis sur sa descente aux enfers, sa paranoïa grandissante et son isolement progressif dans les vapeurs d’alcool. C’est d’autant plus dommage que cela limite le potentiel du film, qui ne propose dès lors qu’une intrigue croisée somme toute très classique. D’un côté, la déchéance mentale de la star, donc, qui laissera des séquelles indélébiles – si son décès soulève toujours des interrogations, Jean Seberg s’est très probablement suicidée à Paris, en 1979. De l’autre, la prise de conscience progressive de l’agent fédéral chargé de l’espionner, qui finira par saisir la gravité de l’acharnement dont il s’est rendu coupable.

Rien de révolutionnaire dans la narration donc, d’autant plus que le film adopte l’esthétique typique de son genre : élégant, classieux, lumineux, mais toujours trop lisse pour convaincre. Un écrin préfabriqué qui au moins laisse toute la place à son actrice pour briller. Toujours sur la brèche, Kristen Stewart crève une fois de plus l’écran, parvenant à donner corps à cette icône fragile et bouleversante du XXème siècle, un rôle de composition d’une sensibilité mordante. C’est probablement la meilleure idée du film que d’entériner, sous les traits d’une icône passée, la naissance d’une icône future.

Mais si le film se voit trop souvent lesté d’un académisme aux semelles de plomb, il développe malgré tout un rapport aux images qui l’aide à dépasser (un peu) sa simple condition. Tel un Brian De Palma dépourvu de lyrisme, Benedict Andrews dresse un constat très angoissé et empli de cynisme sur les images et leur dimension mensongère. Par leur multiplicité (films, magazines, photos prises clandestinement par le F.B.I., etc…), les images sont ici particulièrement malléables, libres de toute emprise, et rendent plus poreuse que jamais la frontière entre vérité et calomnie.

Une rhétorique qui, et c’est toute l’ironie savoureuse de la chose, est une composante essentielle du biopic, genre auquel Seberg se rattache sans demi-mesure. On se souvient avec amertume de Bohemian Rhapsody, qui dissimulait nombre d’aberrations et contre-vérités derrière une reconstitution historique fétiche et le mimétisme de ses acteurs. Rien ne dit d’ailleurs que Seberg ne souffrira pas à l’avenir de pareils reproches, et il peut sembler présomptueux d’affirmer que le film ait suffisamment de recul pour se regarder dans le miroir, tout comme Jean elle-même passe son temps à ausculter son reflet. Mais si cela s’avérait être le cas, Seberg en serait, à défaut d’un meilleur film, au moins un biopic plus intelligent que les autres.

Seberg / De Benedict Andrews / Avec Kristen Stewart, Jack O’Connell, Margaret Qualley, Zazie Beetz, Yvan Attal, Anthony Mackie / Etats-Unis / 1h43 / Sortie le 23 juillet 2020.

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