
Cookie, jeune cuisinier, voyage avec un groupe de trappeurs à travers l’Oregon. Sur sa route, il rencontre King Lu, immigré Chinois en fuite. Ils se lient d’amitié, et rejoignent une petite colonie où vient d’arriver la première vache du territoire. Les talents de cuisinier du premier et surtout l’instinct commercial du second les poussent à traire la vache en secret pour lancer une vente de gâteaux.
Kelly Reichardt continue la fructueuse exploration de l’Oregon qui structure maintenant la plupart de son œuvre, et revisite pour la seconde fois son état d’adoption par le biais du film historique ; First Cow est un faux Western, tout comme l’était La dernière piste (2010), qui relatait l’itinéraire de pionniers errant dans le désert.
S’il est caractéristique du ton et de l’esthétique si particuliers de la réalisatrice (cadres d’une grande précision, jeu minimaliste mais efficace des acteurs, ambiance sonore enveloppante, tempo paisible…), on peut pourtant trouver au film des liens de parentés : c’est dans une semblable colonie tout juste naissante, de bois et de boue, que commençait John McCabe de Robert Altman (1971). La citation de William Blake qui ouvre le film, quant à elle, invoque l’ombre de Dead Man de Jim Jarmusch (1995), où Johhny Depp incarnait un certain William Blake, citadin perdu dans une Frontière hostile – on retrouve d’ailleurs au casting de First Cow Gary Farmer, qui incarnait chez Jarmusch l’indien prenant Blake sous sa protection.
Collaborant une fois de plus avec l’écrivain John Raymond au scénario, Reichardt adapte en fait un livre écrit par celui-ci, The Half Life (2004), dont l’ampleur épique du récit dépassait largement celle du film, plus minimaliste et épuré. S’il connaît des péripéties (toutes concentrées autour d’une question de vente de petits gâteaux, rappelons-le), First Cow évoque plus un poème qu’un roman. Certains gestes simples se réitèrent comme des refrains : cueillette des baies et des champignons, traite de la vache… L’aventure de Cookie et King Lu avec leur animal n’est pas tant le cœur du récit qu’un nœud autour duquel articuler une touchante histoire d’amitié entre deux personnages qui pourraient être vus comme les premiers rêveurs du territoire, comme la réalisatrice en a mis tant d’autres en scène dans ses films « contemporains ». L’ouverture du film, découverte de deux squelettes enterrés côte à côté, se passe justement de nos jours. Un prologue qui aurait pu servir d’épilogue, sans explications et sur lequel la réalisatrice ne revient pas en fin de film. De la même manière, on a peu envie de chercher à expliquer un film comme First Cow, expérience apaisée qui se vit plus qu’elle ne s’analyse.
First Cow / De Kelly Reichardt / Avec John Magaro, Orion Lee, Toby Jones / États-Unis / 2h02 / Sortie le 20 octobre 2021.
Une réflexion sur « First Cow »