
Dans la petite ville d’Easttown, tout le monde se connaît. Mais la communauté, déjà marquée par la disparition inexpliquée d’une jeune femme, se voit confrontée à un meurtre qu’est chargée de résoudre Mare, détective quinquagénaire elle-même en prise avec des conflits familiaux et des traumas non résolus.
Mare of Easttown est un cas d’école. Sa réception publique comme critique extrêmement enthousiaste, sans être totalement absurde, pose question. Comment expliquer une telle unanimité à propos d’une série reposant souvent sur des recettes préconçues, traitées avec un automatisme qui bascule régulièrement dans la maladresse ? La réponse tient en deux mots, Kate Winslet, dont la performance est, elle, effectivement remarquable. L’épaisseur que son interprétation apporte au portrait d’une femme marquée par le deuil, endossant la responsabilité à la fois d’une famille et d’une ville tout aussi dysfonctionnelles l’une que l’autre, mérite effectivement tous les éloges. Au point d’en faire oublier qu’aucun autre personnage n’a droit à une personnalité un tant soit peu complexe. La faute sans doute à une écriture cherchant trop à dépeindre l’ensemble d’une communauté, et se dispersant donc en permanence d’un personnage à l’autre. Quel dommage que les autres policiers ou les membres de la famille de Mare se voient ainsi sous-exploités, ou que certains des adolescents se limitent à des caricatures unidimensionnelles (problème récurrent dont on ne sortira apparemment jamais : à quand une pétition pour strictement interdire le personnage de méchant bully ?).
Mais Mare of Easttown ne pèche pas uniquement par ce déséquilibre. Plusieurs aspects de sa dynamique s’avèrent artificiels, avec ici un cliffhanger poussif en fin d’épisode (accusation d’un personnage, sans aucun fondement, démentie dès le début de l’épisode suivant), là une scène de tension mal amenée et gâchée par une mise en scène maladroite (la découverte de la planque du kidnappeur, aussi vite arrivée que terminée)… Plus dommage encore, si en dépit de ces facilités la tension fonctionne tout de même à peu près, le retournement de situation final, précédé de fausses conclusions auxquelles on croit difficilement, s’avère décevant, déception accentuée par une interprétation fragile de la part de deux des acteurs-clés.
En se reposant sur un personnage, son (excellente) interprète, et un genre déjà codifié, la série parvient à tenir la route, et son visionnage est loin d’être désagréable. Surtout, elle a le mérite d’adopter un point de vue relativement original et féministe, et c’est là sa principale réussite. Les errances de Mare, ses difficultés familiales, ses faiblesses physiques et psychiques, ses chutes et les blessures qui s’ensuivent donnent une dimension si touchante et réaliste à son personnage qu’on se demande comment le reste de la série peut s’avérer d’une écriture si tiède. Les meilleures scènes sont celles où Mare peine à courir, se foule la cheville, patauge dans la rivière… bref, celles où la série va à rebours des clichés, lesquels reviennent malheureusement en force dès que l’intrigue principale est en jeu, de sorte que Mare of Easttown reste finalement un True Detective de seconde zone. Une référence dont l’ombre plane plus d’une fois sur la série, et dont la saison 3 notamment, trop peu connue, mérite sans doute plus le détour…
Mare of Easttown / Créée par Brad Ingelsby / Avec Kate Winslet, Julianne Nicholson, Jean Smart, Evan Peters / États-Unis / 7X60mn / 2021 / Disponible sur OCS.