Jeanne du Barry

Festival de Cannes 2023 / Actuellement au cinéma

© Stéphanie Branchu / Why Not Productions

Il n’y avait que la provocante Maïwenn, qui aime tant susciter l’ire d’un certain féminisme, pour se pencher sur la destinée de Jeanne du Barry, la plus sulfureuse et dernière favorite du souverain Louis XV. Il fallait aussi Johnny Depp sous la perruque poudrée du « Bien aimé », une plainte pour agression à l’encontre de la cinéaste et une sélection à l’ouverture du festival de Cannes pour achever le tableau par-delà la fiction, l’autoportrait criant d’une artiste ambitieuse et libre qui érige le scandale en principe.

On le comprend assez vite, le cœur de Jeanne du Barry réside là. Non dans son histoire d’amour filmée sous papier glacé, ne s’incarnant que fugacement ça et là, au travers d’un regard, de gestes discrets dans des plans hélas rarement soutenus où toutefois Johnny Depp – et c’est l’un des miracles du film – déploie ce qu’on pensait irrémédiablement perdu : son jeu physique, animal, parfois encore affecté mais souvent magnétique. Exit la passion donc, au sein d’une œuvre d’emblée distanciée par l’effet-fiction qu’exhibe une voix-off façon Barry Lyndon, qui confère à Jeanne le statut d’héroïne romanesque autant qu’elle institue un regard ironique et satirique, assumé par la courtisane (et Maïwenn), qu’illustrent les séquences savoureuses du lever du roi ou d’un examen gynécologique trivial et grotesque. Un regard qui sans doute manque de s’affirmer pour séduire entièrement.

Heureusement que ce drame du conflit, dans un Versailles aussi doré que corseté, entre un poids des conventions et la légèreté fantaisiste de Jeanne suffit à nous intéresser. Pour ce qu’il raconte du parcours de l’actrice-réalisatrice, en discordance avec son milieu professionnel et intellectuel, mais surtout de sa vision du féminisme, qu’elle défend avec hargne et sincérité, au mépris des modes et courants dominants, et qui lui permet d’échapper à l’entreprise nombriliste. Un féminisme moins politique qu’individualiste (on défie quiconque de trouver dans le film un germe de réflexion structuraliste), prônant l’émancipation du corps et de l’esprit, une forme d’autonomie morale qui n’a que peu de foi en l’idéal sororal et qui piétine le dogme. Il revient bien sûr au spectateur d’adhérer ou non à une telle vision qui, si elle pèche par trop de prudence esthétique, parvient à s’exprimer solidement, avec intelligence.

Jeanne du Barry / de Maïwenn / Avec Maïwenn Le Besco, Johnny Depp, Benjamin Lavernhe, Pierre Richard, Melvil Poupaud / France / 1h56 / Sortie le 16 mai 2023 / Festival de Cannes 2023 – Sélection officielle – film d’ouverture

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :