
Langley et Homer Collyer sont deux frères habitant à New York au 20ème siècle, le premier est musicien et le second est devenu son avocat. Les deux personnages vivent déjà ensemble lorsque la pièce débute, mais la dynamique du duo va être bouleversée par l’arrivée de Milly, une jeune femme relativement riche, qui va s’éprendre de Langley. Ce dernier, excentrique et touchant, ne correspond à aucun type de héros théâtral qu’on à l’habitude de voir. Son frère quant à lui, manipulateur et débordant d’énergie, tente d’arranger l’union entre Milly et Langley pour réussir à en tirer un maximum de profit.
Pleine d’humour, la pièce met en avant l’ennui d’une société fonctionnant grâce à toutes sortes de conventions sociales. Superbement poétique, l’auteur nous propose l’histoire du destin maudit de ces deux frères en marge de la société. Extrêmement provoquante et toujours hilarante, la pièce joue sur le caractère inconventionnel des personnages, et donne une image cynique et grinçante de l’amour. S’entremêlent alors secrets et desseins au coeur d’un trio original, et alors que le premier acte se termine, la vie des Collyers bascule lorsque le mariage de Milly et Langley est annulé.
La pièce prend alors une tournure dramatique, que le début laissait déjà supposer avec finesse. Tout conduit en effet au renfermement complet des deux frères dans leur maison, sans plus aucun contact avec le monde extérieur. Homer commence à se sentir condamné de devoir prendre soin de son frère jusqu’a la fin de ses jours. Ce dernier à abandonné son projet musical pour se concentrer sur son observation et explication minutieuse du monde. En manque de ressources financières, les deux frères survivent en tentant de supporter leurs différences. L’ainé prend conscience que toute son existence à étéentièrement dévouée à celle de son frère et il décide alors de s’occuper de lui même ce qui conduit à un final qui transporte le spectateur dans un état de pure empathie.
La pièce réussie en effet un véritable tour de force en permettant au public de faire la connaissance, et de s’attacher à des personnages complètement amoraux. Langley, artiste tourmenté et obsédé par les moindres petits détails et leur signification, se trouve toujours obligé de tout expliquer sans jamais trouver le terme exact. Ce personnage central, qui suscite la pitié et la sympathie du public, est remarquablement bien construit, aussi bien d’une grande complexité, que d’une simplicité absolue. Il possède un regard enfantin sur ce qui l’entoure et une vision incroyablement personnelle. Mais ce qui le rend encore plus intéressant c’est sa relation avec son grand frère, les personnages existent effectivement seulement l’un avec l’autre, et ne peuvent survivre seuls. Homer assure ici le rôle du protecteur et s’avère être autant, si ce n’est plus, dévasté et dérangé que celui qu’il doit protéger. Recherchant inlassablement une preuve de reconnaissance dans les paroles et actes de son frère, il tente de se convaincre de la nécessité deses propres actions. L’auteur explore les sentiments humains les plus profonds et vient défier les limites de l’amour fraternel. C’est réellement cette dynamique qui est mise à l’épreuve tout au long de la pièce, les deux frères se placent contre la société, ils sont sans cesse confrontés au monde extérieur et aux règles qu’il impose. Mais les demandes sociales sont telles que les personnages finissent par se laisser mourir en évitant toutes interactions avec le monde.
Cependant au Found 111, où la pièce est mise en scène, aucune coupure entre le spectateur et les protagonistes n’est définie. Bien au contraire, la petite salle de théâtre propose un décor d’intérieur intimiste, poussiéreux et décrépie. Au milieu de la salle, à 20 centimètres à peine des spectateurs, se trouve la reconstruction du salon des deux frères: un piano, des livres, un canapé et toutes sortes d’objets entassés. Un effet sensationnel de mise en scène, qui donne au spectateur l’impression d’être impliqué dans la vie des personnages et ajoute un sentiment de claustrophobie bien approprié. D’une modernité impressionnante, le texte enchaine les répliques ironiques aussi bien à l’égard des musiciens, que des auteurs ou encore de la littérature. Ces dialogues déroutants sont sublimés par une mise en scène improbable mais aussi par des interprétations remarquables, Andrew Scott est plus q’impeccable en artiste excentrique et égocentrique, il parvient à capter l’attention du public durant de longues descriptions des choses les plus insignifiantes. Tous les états d’âme du personnage sont joués avec une douceur et une intensité hors du commun. L’acteur nous livre un personnage extrêmement vulnérable et marquant grâce à une prestation d’une justesse extraordinaire. David Dawson brille dans le rôle du frère perdant peu à peu l’envie de vivre, on peut notamment applaudir sa performance lors de l’entracte, qui permet de mettre les personnes présentes dans la salle au même niveau d’inconfort et d’incertitude que le personnage. Joanna Vanderham est quant à elle parfaite aussi bien en jeune femme étouffée par les conventions qu’en spectre désenchanté.
La pièce est donc d’une force impressionnante et les acteurs incroyablement touchants. Les 2h30 passent étonnement vite et l’on reste comme hypnotisé devant ces vies qui s’effondrent sous nos yeux. Sans aucun défaut et absolument sensationnelle, The Dazzle est certainement l’une des meilleures pièces de ces dernières années.
The Dazzle / Ecrit par Richard Greenberg / Mise en scène de Simon Evans / Avec Andrew Scott, David Dawson, Joanna Vanderham / Du 10 décembre au 30 janvier 2016 au Found 111.
Bravo vous vous êtes surpassés; le clin d’oeil du titre est particulièrement savoureux…
Nous t’embrassons
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