La Chambre du fils

Rétrospective Palme d’or

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Giuseppe Sanfelice (Andrea) et Nanni Moretti (Giovanni) © Bac films

Giovanni est psychanalyste et père de famille. Il écoute ses patients lui confier leurs névroses avant de regagner son appartement dans lequel sa femme, son fils et sa fille l’attendent. Ses journées sont réglées selon une routine précise et indispensable. Lorsqu’un événement tragique vient la troubler, sa vie bascule irréversiblement.

La mission des protagonistes incarnés par Nanni Moretti dans ses premiers films consiste à s’opposer au désordre qui, selon lui, règne en Italie et dans la vie des italiens. Pour atteindre cet objectif, le jeune – souvent présomptueux – acteur/réalisateur/auteur se travestit en différentes figures d’autorité : cinéaste, prêtre, professeur ou psychanalyste. Dans La chambre du fils, nous avons à faire à un Moretti plus âgé et, avant tout, père. 

Après Aprile (1998), dans lequel il célèbre la naissance de son fils, le cinéaste italien s’éloigne considérablement de son schéma narratif auto-centré récurent en imaginant la perte de cet enfant. Si le sujet invite au pathos, Moretti le détourne avec la subtilité qu’on lui connait. Il parvient à donner au film une intensité dramatique poignante et constante, sans jamais ne serait-ce qu’effleurer le mélodrame. La construction du film, autour d’un tournant narratif soudain, lui permet de mettre en parallèle le bonheur familial et le déchirement tragique. Ce deuil, Moretti le conçoit, certes non sans effroi, mais avec une tendresse tout à fait déchirante. Loin de s’abandonner au plaisir voyeur – élément pourtant central dans le reste de son œuvre – que pourrait solliciter la misère de ses personnages, son approche minimaliste donne au film une portée emphatique résonnante.

La chambre du fils marque un point de rupture dans l’œuvre du réalisateur. Le rôle d’observateur imperturbable et cynique qu’il adopte habituellement est délaissé au profit d’un ton plus bienveillant. Alors que ses personnages secondaires ne servaient souvent que d’exemples interchangeables pour appuyer ses théories socio-politiques ou philosophiques, ils sont ici d’une importance nouvelle. Le positionnement le plus fréquent du personnage qu’il interprétait – seul contre le reste du monde – a évolué. Dorénavant, c’est sa famille que Moretti défendra contre le reste du monde. La chambre du fils place effectivement le cinéaste face à une nouvelle théorie insoupçonnée : souffrir ne serait pas nécessairement un acte solitaire.

Non seulement son personnage n’est plus le seul aux prises avec le malheur, mais celui des autres apparaît enfin aussi légitime que le sien. Ce tournant personnel qui donne à son œuvre une sensibilité différente l’éloigne cependant des standards narratifs et esthétiques auxquels il nous avait habitué. Alors que la perte de la mère avait donné lieu à une séquence bouleversante dans La messe est finie (1985), la perte fictive de son fils parait, elle, plus abstraite. Son experience quasi-directe des sujets et cette fragilité tangible qu’elle provoque en lui seraient à l’origine du rapport intime qui s’établit entre le spectateur et son protagoniste.

Le gagnant de la Palme d’or en 2001 est un drame intelligent, remarquablement bien rythmé et exemplaire dans le traitement de son sujet; mais c’est avec une légère déception qu’on remarque que tout ce qui nous avait fait aimer son créateur jusqu’à présent n’y figure presque plus. Si Nanni Moretti décide de s’engager dans une nouvelle ère créatrice, témoignage d’un renouveau personnel et artistique, le spectateur – créature encline à la nostalgie – le suivra avec confiance mais non sans quelques regrets.

La chambre du fils / De Nanni Moretti / Avec Nanni Moretti, Laura Morante, Jasmine Trinca et Giuseppe Sanfelice / Italie / 1h39 / 2001

Auteur : Chloé Caye

Rédactrice en chef : cayechlo@gmail.com ; 31 rue Claude Bernard, 75005 Paris ; 0630953176

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