Jumbo

Au cinéma le 1er juillet 2020

Noémie Merlant, une amoureuse pas comme les autres © Caroline Fauvet

Présenté en compétition à Sundance, le curieux Jumbo, premier long-métrage de la cinéaste belge Zoé Wittock, débarque enfin dans nos salles. Un objet de curiosité qui s’annonce déjà comme la petite bizarrerie de cet été et confirme, malgré certaines faiblesses, l’inventivité d’un certain cinéma francophone.

En 2007, après plusieurs années d’un amour secret, l’Américaine Erika LaBrie se marie avec… la Tour Eiffel. La raison de ce mariage étrange : l’objectophilie, une paraphilie méconnue du grand public qui voit celles et ceux qui en font l’expérience développer une attirance, aussi bien sexuelle que sentimentale, pour des objets inanimés. Fascinée par la personnalité complexe de l’Américaine et son idylle peu commune, la réalisatrice Zoé Wittock s’en est librement inspiré pour son film.

Soit l’histoire de Jeanne, une femme-enfant maladivement timide, campée par l’étoile montante Noémie Merlant. Régulièrement moquée par les jeunes de sa ville, en conflit avec sa mère excentrique et délurée (Emmanuelle Bercot), Jeanne trouve un refuge apaisant au contact des attractions du parc qui l’emploie, des machines qu’elle s’amuse à reproduire en modèles réduits dans sa chambre. Sa petite vie bien rangée va soudainement basculer lorsque Jeanne rencontre Jumbo, un manège flambant neuf dont elle tombe immédiatement amoureuse.

Coincé entre deux époques (le clinquant usé des années 80 d’un côté, la modernité technologique de l’autre), le film développe un univers riche et résolument unique, un terreau idéal pour cette fable existentielle touchante, portée par un tandem d’actrices très investi. Zoé Wittock et son chef-opérateur Thomas Buelens ne font pas mystère de leurs influences stylistiques, de John Carpenter à Steven Spielberg en passant par les expérimentations chromatiques d’un Under The Skin (Jonathan Glazer, 2013). Si cet imaginaire très pop-culturel paraît de prime abord un peu lessivé (surtout depuis la déferlante Stranger Things), le film l’emploie à bon escient au sein d’une direction artistique soignée. Hélas, la sauce ne prend pas toujours et le film peine parfois à donner vie à son héros de lumière et d’acier. S’il faut noter certains partis-pris bien sentis qui confèrent au film sa dimension la plus érotique (l’huile noire qui s’écoule du mécanisme de Jumbo et recouvre le corps dénudé de Jeanne), la simplicité du dispositif filmique peine souvent à mettre en images la conscience derrière les rouages, qu’elle soit bien réelle ou simplement née de l’imagination de la jeune femme.

Ce qui demeure finalement la plus grande faiblesse du film réside dans sa dimension ouvertement engagée. Car si l’on ne peut que louer l’ouverture d’esprit de la cinéaste, qui épouse pleinement le point de vue d’une jeune femme en plein chambardement, confrontée à un désir nouveau et fiévreux, le film dérape sur le terrain du drame social dans son troisième acte. En faisant du parcours supposément déviant de Jeanne une expérience intimiste et sensorielle hypnotique, et de l’hétérosexualité exacerbée de sa mère la source de son mal-être, Zoé Wittock renverse les codes moraux et surligne l’absurdité des normes sociales. C’est une noble démarche, mais cela coûte au film son initiale fantaisie et sa légèreté qui rappelle certaines productions Amblin’. Qu’à cela ne tienne, Jumbo se regarde sans déplaisir pour ce qu’il est : un conte décalé et singulier qui touchera sans problème le plus grand nombre.

Jumbo / De Zoé Wittock / Avec Noémie Merlant, Emmanuelle Bercot, Bastien Bouillon / France – Belgique – Luxembourg / 1h33 / Sortie le 1er Juillet 2020.

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