Saint Maud

Sur Canal+ le 29 septembre 2021

Morfydd Clark dans « Saint Maud ». © Angus Young / Saint Maud Limited / The British Film Institute / Channel Four Television Corporation

Révélé lors du prestigieux festival de Toronto en 2019 puis auréolé de quatre prix à Gérardmer, Saint Maud, premier long-métrage de Rose Glass, a créé l’événement dans la sphère cinéphile avant sa sortie (il était temps) directement sur Canal+. Gageons que les téléspectateurs de la chaîne cryptée apprécieront ce film d’horreur épuré et viscéral.

Fervente catholique, Maud (la révélation Morfydd Clark) est une infirmière exclue du système hospitalier à la suite d’un « accident » sordide. Assignée au chevet d’Amanda (Jennifer Ehle), danseuse célèbre condamnée par un cancer, Maud se persuade bien vite que sa patiente est possédée par le Malin et se jure de la délivrer de son emprise. Si le film semble, sur le papier, se contenter de cocher les cases de l’elevated horror contemporaine (soit la résurrection stylisée et consciencieuse d’un cinéma d’épouvante à l’ancienne, dont les codes sont au fond un brin poussiéreux), Rose Glass relègue bien vite sa mythologie catholique au second plan. La toute première image du film, une soupe couleur rouge sang en ébullition dans une casserole, en évoque une autre, la soupe qui annonce la Révolution qui gronde dans Le Cuirassé Potemkine (Sergueï Eisenstein, 1925) et dessine le véritable cœur du projet : autopsier la psychose grandissante d’un personnage, la folie destructrice qui sommeille derrière l’apparence stricte et timide de cette infirmière dont la douceur rassure autant qu’elle inquiète. Moins qu’un film d’effets (il est sur ce point des plus minimalistes), Saint Maud est surtout un film d’actrices. Totalement habitées par leurs rôles, les deux comédiennes laissent transparaître deux intimités en souffrance, celle d’une nouvelle Norma Desmond en pleine décrépitude physique et celle d’une innocente prise dans une spirale hallucinatoire.

Tourné à Scarborough, sur les côtes de la Mer du Nord, le film s’approprie pleinement l’architecture unique de son décor et en dégage une symbolique double : le manoir perché en haut d’une colline, surplombant un décor minier et populaire, désigne autant la fracture sociale dans sa forme la plus limpide que la frontière séparant le Bien du Mal – le trajet de Maud, gravissant le sinueux escalier menant au domicile d’Amanda, prend à chaque fois l’allure d’une ascension divine qui l’éloigne, pour un temps, du vice qui marque son quotidien (les pubs et les salles de jeux, typiques des villes côtières britanniques).

Construit comme un incessant crescendo dont la fin reste assez prévisible, le film contient bien sûr quelques faiblesses, à commencer par des références trop évidentes (cf. une scène de dialogue surnaturel, copiée-collée d’une séquence de The Witch de Robert Eggers) et une scène finale qui vend un peu trop la mèche sur la vérité psychique de Maud. Néanmoins, le tout reste d’une efficacité dévastatrice, sublimée par une esthétique enluminée avec quelques sursauts redoutables. La focalisation sans concession du film transcende son imaginaire et accroche le spectateur pour ne jamais le relâcher. Rose Glass est sans l’ombre d’un doute une cinéaste à suivre.

Saint Maud / De Rose Glass / Avec Morfydd Clark, Jennifer Ehle, Lily Frazer / Angleterre / 1h23 / Sortie le 29 septembre 2021 sur Canal+ .

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