The Underground Railroad

Disponible sur Amazon Prime

Photo Sheila Atim
© Amazon Prime Video

Cora, jeune esclave dont la mère a disparu, travaille dans une plantation de coton ; elle et ses compagnons d’infortune profitent d’une relative autonomie permise par leur maître. Mais à la mort de celui-ci, le domaine tombe sous le joug de son frère, autrement cruel. Quand son ami Caesar lui propose de s’enfuir, Cora accepte ; un mystérieux chemin de fer souterrain permettrait de passer discrètement d’un état à un autre. Alors que Cora et Caesar entament un long périple à travers le pays, un inquiétant chasseur d’esclave se lance à leur poursuite.

Créée par Barry Jenkins, oscarisé pour Moonlight en 2016, Underground Railroad relate un fascinant voyage métaphorique à travers une Amérique semi-imaginaire. Le « chemin de fer souterrain », ayant bien existé, était également devenu une expression désignant les réseaux abolitionnistes cherchant à venir en aide aux esclaves. D’épisode en épisode et d’état en état, Cora est confrontée à différents traitements subis par les Noirs, la réalité historique étant progressivement mise de côté pour laisser la place aux symboles, voire aux rêves. La mise en scène de Jenkins, privilégiant les plans longs et flottants, en accentue la dimension onirique avec beaucoup d’élégance – un style où l’influence de Terrence Malick se fait sentir. Dommage que cette originalité formelle soit ternie par la fadeur de la direction artistique (décors, costumes…), dont le rendu parfois artificiel pourrait sortir de n’importe quel produit déversé à la chaîne par Netflix et consorts. Rappelons-nous que l’un des meilleurs films jamais tourné sur l’esclavage, le traumatique Mandingo de Richard Fleischer (1975), est peut-être aussi celui dont l’esthétique est la plus aride (décors à moitié vide, image froide…).

Le mécanisme narratif de la série, certes aussi fascinant qu’efficace, pose quant à lui question. Pourquoi ce recours à l’uchronie (autant dans la série que dans le livre de Colson Whitehead dont elle est tirée) ? Pourquoi imaginer par exemple qu’un état menace les Noirs de génocide, et dresser ainsi un parallèle avec la Shoah (Noirs cachés dans un grenier, dénonciations…), et ce alors qu’un génocide a bien au lieu en Amérique, celui des « Indiens » ? L’esclavage a-t-il besoin d’être exagéré pour être perçu dans toute son horreur ? Si dans Beloved l’écrivaine Toni Morrison imaginait un fantôme hantant une ancienne esclave, c’était pour évoquer son traumatisme, ses stigmates invisibles ; mais les souffrances des champs de coton, elles, se passent de procédés d’exagération, et l’autrice les décrivait dans leur terrible réalité.

Peut-être faut-il y voir un procédé cathartique, à la manière d’un Jordan Peele renouvelant le cinéma d’horreur en faisant du racisme son moteur (Get Out et ses rejetons). Car Underground Railroad retrace aussi la naissance d’une identité noire ; celle d’un peuple nouveau, créé de force par les Blancs et leur commerce triangulaire, dorénavant obligé d’exister et de s’affirmer. Une identité forcément difficile à construire, en témoigne l’incroyable personnage d’Homer : l’adjoint et âme damnée du chasseur d’esclaves est un enfant noir…

Underground Railroad / De Barry Jenkins / Avec Thuso Mbedu, Chase W. Dillon, William Jackson Harper, Joel Edgerton / 10x60mn / États-Unis / Disponible sur Amazon Prime

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