La Légende du roi crabe

Au cinéma le 23 février 2022

Gabriele Silli © Shellac Sud

Au cinéma, il arrive que l’on déniche quelques bijoux insoupçonnés. La Légende du roi crabe, servi par un titre peu séduisant et une visibilité médiatique proche du néant, comme il est de coutume hélas pour ce cinéma aux ambitions non commerciales, est de ces œuvres inattendues qui ravissent, étonnent, procurent cette émotion rare que vise toute œuvre d’art. Dans ce qui est leur premier long-métrage de fiction, les réalisateurs Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis parviennent, au sein de la forme a priori mineure du conte traditionnel, à générer une indéniable force romanesque.

De nos jours, des chasseurs racontent le destin légendaire de Luciano, ivrogne séditieux et indolent qui, dans son village de Tuscie (Italie) au XIXème siècle, commit un acte funeste. Hanté par son crime, il dut s’exiler en Terre de Feu (Argentine) où il se mit en quête d’un trésor enfoui. Construit en deux parties, le film frappe par son humilité formelle et narrative tout en cheminant par une multitude de genres : de la pastorale au récit d’aventure, en passant par le picaresque et le western spaghetti. Telle est la poétique du film : insuffler de l’ampleur à un récit modeste qui a traversé les époques au fil de la parole.

En adaptant l’histoire de Luciano, les cinéastes portent à l’écran la voix des paysans, leur culture, leur héritage, et parachèvent un récit que la transmission orale avait rendu mouvant. Le geste dépasse ainsi celui d’un antiquaire. Il fixe sans figer, renferme dans un écrin – ou un lac – le continent du passé, teinté de merveilleux, dont on peut ressentir ardemment la présence. C’est l’une des lectures possibles du long-métrage : l’expression de la persistance du passé et d’une foi absolue en la fable, en tant qu’elle nous relie à ce qui est mort, à ce qui, par elle, vit toujours.

Cette dimension cosmologique trouve un écho dans l’attention particulière accordée aux éléments vivants, à la nature tantôt lumineuse, tantôt ténébreuse, qui inonde presque chaque plan. Une nature dont la pureté connote celle des sentiments d’Emma et Luciano, entravés par l’avidité, l’orgueil et l’ambition des hommes. Ainsi, La Légende du roi crabe est avant tout une simple histoire d’amour. Une ode que ne renierait pas Orphée, qui tire de sa simplicité tout son éclat universel.

La Légende du roi crabe / De Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis / Avec Gabriele Silli, Maria Alexandra Lungu, Severino Sperandio / Italie, France, Argentine / 1h39 / Sortie le 23 février 2022

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :