Les meilleurs biopics musicaux

Le groupe Kino dans Leto de Kirill Serebrennikov. © Hype Film Kinovista 2018

Très en vogue depuis une quinzaine d’années, le film biographique – abrégé biopic en anglais – est un genre protéiforme en ce qu’il n’a pas de caractéristiques clairement définies, hormis l’évocation biographique d’un personnage réel. Rarement passionnant et souvent ronflant, il lui arrive parfois d’être surprenant, d’offrir certaines réussites, voire même de toucher au chef-d’œuvre. Alors qu’Elvis sort le 22 juin prochain, voici notre sélection de biopics musicaux.

Amadeus, de Miloš Forman (1984)

Miloš Forman fait un pari risqué en adaptant la vie du compositeur le plus célèbre de l’histoire. Et quoi de mieux pour montrer la grandeur du personnage que le point de vue de son rival, le pieu et guindé Salieri. Mozart, c’est tout l’opposé, le faste, la jeunesse, la fougue, Amadeus s’en imprègne, Forman offrant ici son film le plus exubérant. Loin d’une véracité historique, c’est une volonté très sincère de transcrire la volupté de l’artiste, sa dévotion à la musique et le tragique de son destin qui en émane. Amadeus, c’est le génie dans ses abysses de grâce et de déchéance, filmé avec la fluidité d’une symphonie. – Pierre Gaudron

8 Mile, de Curtis Hanson (2002)

Le réalisateur de L.A. Confidentiel revient en 2002 avec une fiction semi-biographique sur et avec Marshall Bruce Mathers III aka Eminem. Rares sont les biopics dans lesquels le sujet joue son propre rôle, qui plus est si jeune (30 ans). L’expérience est hasardeuse, ici, elle transfigure le film. Un récit de réussite et d’acceptation sur toile de fond sociale, prenant au sérieux son sujet, ce qui est en soit gage de qualité et plutôt rare pour l’époque où le rap est encore largement décrié. Le tout se conclu dans une séquence iconique, offrant au spectateur toutes les sensations d’un vrai battle. – P. G.

La Môme, de Olivier Dahan (2007)

Difficile de ne pas évoquer le biopic consacré à Édith Piaf dans ce top 10. Le film retrace la vie tumultueuse de la chanteuse mythique : l’enfance misérable dans le quartier de Belleville, l’ascension rapide, les romances, les chansons, les problèmes d’addiction… La vie avec ses hauts et ses bas, en insistant plutôt sur les bas. Olivier Dahan réalise un film qui se donne les moyens de son ambition : le soin apporté à la mise en scène ainsi qu’à la photographie et au son a été récompensé à la sortie du film, à juste titre. De bonne facture, La Môme est donc un biopic exemplaire, avec les qualités mais aussi les quelques défauts de l’élève modèle. Le classicisme de sa structure narrative en flash-backs lui a permis d’avoir un large écho dont témoigne son succès international. Mais si le film continue de briller, c’est grâce à son interprète (Marion Cotillard, d’ailleurs largement primée pour ce rôle) qui semble s’être donnée corps et âme à son personnage. Un biopic grand public et mémorable sur une chanteuse indéfectiblement populaire. – Claire Massot

Gainsbourg (vie héroïque), de Joann Sfar (2010)

Le grand poète de la chanson française a lui aussi mérité un film à son effigie, du Lucien Ginsburg, enfant qui pendant la guerre rêvait de devenir peintre, à Serge Gainsbourg, auteur à succès, et jusqu’à Gainsbarre, son personnage de tous les excès. Le réalisateur et dessinateur Joann Sfar nous fait la proposition d’un conte hybride sur la vie du chanteur et sur ses rencontres, alors que l’esthétique de la bande dessinée se mêle au rythme du film. Ainsi, Gainsbourg, vie héroïque, à la manière d’une fable, raconte les aventures imaginaires de celui qui est devenu une légende. Au sein d’un récit chronologique, la convocation de l’univers fantastique imaginé de l’artiste ainsi que la personnification de ses fantasmes confère à ce film biographique toute son originalité. – Lise Clavier

Cloclo, de Florent Siri (2010)

Cloclo de Florent Siri c’est le biopic pour les français à la mode américaine. Comme Claude François, chanteur français fasciné par les stars des Etats-Unis, le film ne cache pas ses inspirations d’outre-mer. Le biopic est un genre qui semble laisser assez peu de place à l’imagination : ses penchants mécaniques peuvent engourdir ses plus hautes aspirations. Un genre tyrannique pour un chanteur tyrannique, donc. Florent Siri montre un Cloclo vulnérable et autoritaire. Son film est quelque part entre les deux. C’est un portrait juste, millimétré, peut-être trop. Mais à quelques moments – et surtout grâce à l’étonnant tour de force de Jérémie Renier – Cloclo parvient à charmer, voire même à fasciner, sans arrière-pensées. – Chloé Caye

Ma vie avec Liberace, de Steven Soderbergh (2013)

L’histoire de Bambi égaré dans une forêt trop sombre, pour paraphraser les mots de Michael Douglas au début de Ma vie avec Liberace. Soderbergh appréhende ici la figure du musicien virtuose, immense showman et véritable phénomène en Amérique du Nord, à travers les yeux de Scott Thorson, son amant de 1977 à 1982. Jugé trop gay par les producteurs américains, le film échappe l’air de rien au canevas classique du biopic en mettant l’accent sur la relation tumultueuse qui lia les deux hommes plutôt que sur la musique et la carrière de Liberace. Il nous place « derrière le candélabre » (titre du livre source du métrage), au cœur d’une intimité qui est celle de tous les couples, mais aussi d’un monde distinct, celui du show-business, où les strass sont les fards de la solitude et du flétrissement. Matt Damon y excelle dans son incarnation de Scott en jeune plouc tendre et naïf, tandis que Michael Douglas trouve indubitablement son plus grand rôle sous les traits de l’extravagant pianiste. – Albin Luciani

Michael Douglas en Liberace © ARP Sélection

Love and Mercy, de Bill Polhad (2014)

Biopic sorti sous les radars, Love and Mercy dresse le portrait intime de Brian Wilson, leader des Beach boys, dépressif et présumé schizophrène par un psychologue cupide qui le mit sous tutelle. L’entrelacement de deux temporalités structure le récit : celle de la genèse de Pet Sounds, aujourd’hui considéré comme le chef d’œuvre du groupe, jusqu’à la déchéance physique et psychique de l’artiste à la fin des années 60, et celle de sa rencontre en 1991 avec Melinda Ledbetter qui le sauvera de la torpeur avant de l’épouser. Comme tout biopic réussi, c’est-à-dire tout ce qui n’évoque pas un Get on up (sur James Brown) ou Bohemian Rhapsody, Love and Mercy frappe par ce que l’on pourrait appeler sa contre-représentation de la pop star. S’il n’omet pas de rendre hommage au génie créatif du compositeur, notamment lors de scènes de sessions studio où s’illustre le talent inouï d’un Wilson habité, ce sont avant tout ses failles et ses tourments qu’il met en relief, avec une certaine épaisseur psychologique. C’est par cette approche que l’histoire de cet homme meurtri devient le matériau propice à une réflexion sur les affres de la création. – A. L.

Jersey Boys, de Clint Eastwood (2014)

Adaptation de la comédie musicale du même nom, Jersey Boys revient sur le parcours d’un groupe de rock mythique des années 1960, The Four Seasons. Quatre jeunes garçons du New Jersey d’origine modeste se trouvent subitement confrontés aux affres du succès lorsqu’ils montent un groupe à l’ascension fulgurante. Plus de vingt-cinq ans après Bird (film consacré au célèbre saxophoniste Charlie Parker), Clint Eastwood retourne au biopic musical et ressuscite à l’écran ce groupe auquel il voue une profonde admiration. Pour interpréter les quatre gaillards, il a fait le choix judicieux de reprendre les acteurs de la comédie musicale originale, et ainsi d’enregistrer au moment du tournage les chansons cultes du groupe. Le film ne déborde pas d’inventivité pour filmer le processus de création musicale, mais reprend avec maîtrise de bonnes vieilles recettes. Suivant une structure inhabituelle et ludique, il est ponctué de séquences dans lesquelles les personnages brisent le quatrième mur pour devenir les narrateurs de leur histoire. Un film réjouissant dont la séquence musicale finale incarne l’innocente nostalgie au rythme entraînant de « Oh, What a Night ».C. M.

Barbara, de Mathieu Amalric (2017)

Barbara aurait pu figurer parmi la liste de notre précédent top – les meilleurs films sur le cinéma – puisqu’il s’agit d’une mise en abyme. Brigitte est l’actrice d’un film au sujet de la chanteuse Barbara. Mathieu Amalric, le réalisateur du film, est également réalisateur dans le film sous le nom de Yves Zand, fou d’admiration pour la chanteuse, ou bien pour l’actrice qui l’interprète ? « Vous faites un film sur Barbara ou vous faites un film sur vous ? », demande Brigitte à Yves lors d’une prise. Avec Barbara, Amalric offre une nouvelle dimension au genre du film biographique : le spectateur plonge dans les coulisses d’un film sur Barbara et sur Brigitte, alors que se mêlent fascination pour la dame en noir et travail d’acteur. Jeanne Balibar excelle et nous envoûte complètement dans sa métamorphose en ces deux personnages, alors que nous peinons à comprendre s’il s’agit d’images d’archives ou de reconstitutions. – L. C.

Jeanne Balibar en Barbara © Waiting For Cinéma 2017 / Roger Arpajou

Leto, de Kirill Serebrennikov (2018)

Au festival de Cannes en 2018, est présenté un ovni musical et filmique : Leto de Kirill Serebrennikov. Le film met en scène le groupe Kino et son frontman Victor Tsoi, figures de proue du mouvement rock underground contestataire à Leningrad dans les années 80. Au noir et blanc sobre s’oppose des mouvements de crayon de couleur sur l’écran. Leto se trouve entre la comédie musicale jukebox (ré-utilisant des hits rock) et le biopic, donnant naissance à un hybride tout à fait sensationnel. C’est entre les lignes et les portées qu’il faut lire. Le jeune réalisateur prouve que le genre a encore à offrir à qui ose s’en emparer. La musique est un outil révolutionnaire puissant, le cinéma l’est aussi : opposant au régime russe, Kirill Serebrennikov est assigné à domicile pendant le tournage du film. – C.C.

2 réflexions sur « Les meilleurs biopics musicaux »

  1. « Cloclo », totalement hors-jeu pour moi, tout comme l’insupportable « la môme ». Je valide le reste en revanche, et propose en remplacement de ces deux-là les magnifiques « Control » de Anton Corbijn et « I’m not there » de Todd Haynes, et en bonus « Walk the line » de James Mangold !

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