
Depuis son superbe Monsieur & Madame Adelman, premier long-métrage surprenant de justesse, Nicolas Bedos semble sur une pente glissante, comme si chaque nouvel exercice, aussi intéressant soit-il, cherchait à retrouver sans succès la recette de cet unique coup d’éclat. Passé un OSS 117 inégal ressemblant plus à un film de commande qu’autre chose, l’auteur revient enfin à un projet original et se dirige cette fois-ci vers la Côte d’Azur, son univers bourgeois et ses petits jeux de manipulation.
Hautement influencé par le film noir américain (Boulevard du crépuscule en tête) et par des mécaniques chabroliennes, Mascarade convoque un lourd héritage. Seulement, là où ses précédents essais parvenaient à citer sans en pâtir, sa nouvelle œuvre ploie constamment sous le poids de ses prestigieuses références. Au cours de deux heures interminables, Nicolas Bedos ne parvient jamais à égaler la précision narrative de ses aînés puis se perd dans une mécanique didactique et usée, ayant toujours un train de retard sur le spectateur. La convocation du film de procès ou de la comédie romantique tente peut-être de faire oublier cette faiblesse scénaristique par une accumulation de sous-genres mais il n’en résulte qu’un amas d’ersatz informes, incapables de s’harmoniser. Peu aidée par une imagerie numérique étonnamment fade, sa caméra paraît également en pleine aphasie, perdant la fluidité si caractéristique de son cinéma.
Alors que les grandes œuvres auxquelles il se réfère pouvaient contrebalancer quelques maladresses grâce à leur humour mordant, Mascarade se pare, au fil des minutes, d’un sérieux à toute épreuve. Cette absence d’ironie réduit sévèrement l’intérêt porté à cette galerie de personnages antipathiques. Le regard de Bedos devient méprisant, tant aucun d’eux ne semble trouver grâce à ses yeux (et sa caméra). Plus qu’un simple drame plombant, le film finit par devenir aussi faux et cynique que les hautes classes qu’il fustige.
Le talent de Nicolas Bedos n’a pas disparu, loin de là, mais ne fait que réapparaître lors de courts instants volatiles – lors d’une séquence de danse sur la plage notamment – et jamais sur l’intégralité de cette Mascarade portant bien tristement son nom.
Mascarade / De Nicolas Bedos / Avec Pierre Niney, Isabelle Adjani, François Cluzet, Marine Vacth, Emmanuelle Devos / 2h14 / France / Au cinéma le 1er novembre 2022.
Une réflexion sur « Mascarade »